
A ceux-ci, je voudrais ajouter un souvenir personnel, celui d’un jeune militant du Collectif des Etudiants Libéraux de France, de 19 ans à l’époque, ayant participé activement, à Toulouse, à la campagne présidentielle de Raymond Barre. Je garderai toujours à l’esprit le temps qu’il prit la peine de consacrer aux jeunes, à l’issue de son meeting dans la ville rose, sa disponibilité, son intelligence perçante mais aussi partageuse de son savoir. Nombreux avons-nous été, enfin, à tenter de comprendre l’économie politique grâce à son manuel, publié aux Presses Universitaires de France, et qui restera un grand classique de la littérature universitaire.
Raymond Barre appartenait à cette catégorie d’hommes politiques, qu’on qualifie pour faire simple d’hommes d’Etat, et dont le comportement ressortit à une haut exigence de la morale publique, à une conception élevée du service de la Nation. Cela passe nécessairement par le risque assumé de déplaire, de ne pas mentir et d’avoir le courage d’agir. Pierre Messmer, dans un autre style, qui vient également de s’éteindre, avait lui aussi cette grande classe et cette superbe dignité. Faut-il pour cela être pourvu d’une immense abnégation ou est-ce une forme d’orgueil ? Qu’importe : l’exemple demeure.
Raymond Barre fut un chef de gouvernement que les circonstances ne servirent point : il connut les chocs pétroliers, la fin des Trente Glorieuses et l’incessante guérilla de la bande parlementaire d’un Chirac que Giscard d’Estaing qualifie de famélique et d’affamé de pouvoir dans le dernier tome de ses Mémoires. Pourtant, l’Histoire a d’ores et déjà commencé à rendre justice à Barre qui laisse dans tout le pays le souvenir d’un des meilleurs Premiers ministres de la Vème République.
Dans son livre intitulé « L’après de Gaulle », déjà évoqué dans ces colonnes, Jean Mauriac rapporte ce propos de Raymond Barre dont il a pris note en 1988 : « Je savais, en me présentant à l’élection, par où je devrais passer… Eh bien, je me suis trompé ! Tout est encore plus abject que je l’aurais imaginé ! » Ce n’était pas le dépit du vaincu mais le constat de la bassesse où se complait parfois le débat public. La voix irremplaçable de Raymond Barre manque d’ores et déjà à la France.
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