vendredi 29 février 2008

Appel de "Marianne" : trop c'est trop !

Pour des raisons dont la plupart résonnent comme autant de défis à la logique, le quinquennat de Nicolas Sarkozy semble connaître une phase – prématurée – d’encalminage. A quoi cela tient-il ? Les avis divergent : le style d’exercice de la fonction de président de la République par son actuel titulaire, l’étalage de sa vie privée, l’impréparation apparente de ses annonces, l’impatience des Français en attente d’avancées concrètes sur le pouvoir d’achat, l’influence de l’entourage et des collaborateurs du chef de l’Etat ? Les avis divergent et disons que, dans tout cela, il y a une bonne dose d’irrationalité autant qu’il y en avait dans l’engouement. Du reste, et ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas bons que j’écris cela, Nicolas Sarkozy est probablement le premier de nos présidents à devoir subir la publication quotidienne (quand ce n’est pas plusieurs fois par jour !) de sondages d’opinion scrutant les cœurs et les reins de nos concitoyens.




L’ « appel républicain» publié par l’hebdomadaire Marianne il y a une semaine marquera longtemps les esprits. Trop, c’est trop ! Si nous sommes nombreux à convenir qu’il y a eu incontestablement un flottement dans l’action présidentielle depuis l’automne dernier, probablement dû à des événements intimes qui l’ont chamboulé, cette situation ne doit pas être saisie par les aigris de service qui ne voient là que l’opportunité de prendre une revanche facile. Ce texte, dont la lecture donne le vertige tant il est creux, est principalement signé par celle et ceux qui acceptent mal de n’avoir été ni élu ni candidats en 2007 : Ségolène Royal, François Bayrou, Dominique de Villepin et Jean-Pierre Chevènement. Ils se baguenaudent ainsi accompagnés de quelques comparses de circonstance où se comptent d’anciens gaullistes oubliés, des écolos en perdition, de vieux staliniens ringards. Triste aréopage à la vérité !

Que lit-on dans ce tissu d’inepties ?

Premièrement que les « soussignés » affirment leur « attachement au principe républicain ». Et alors ? Qui parle en France de possibilité de restauration monarchique ? Sarkozy serait Bonaparte parce que son fils cadet se présente aux cantonales ? Bernadette Chirac n’était-elle pas elle-même conseiller général de la Corrèze quand son mari était à l’Elysée et Gilbert Mitterrand ne fut-il pas député de la Gironde dès 1981 ?

Deuxièmement, ils protestent de leur « attachement aux fondamentaux d'une laïcité ferme et tolérante, gage de la paix civile ». Sur ce point, que dit d’autre Nicolas Sarkozy sinon que l’état de la société française n’est plus celui qui était le sien il y a plus d’un siècle et sinon que la laïcité ne signifie pas le bannissement du fait religieux du débat public ? A cet égard, il est amusant de relever que l’un des signataires, François Bayrou, n’hésita pas à faire donner une messe dans son village de Bordères en 1993 quand il fut nommé ministre de l’Education Nationale par Edouard Balladur.

Troisièmement, les pétitionnaires réaffirment « leur attachement à l'indépendance de la presse et au pluralisme de l'information ». Là, c’est la franche rigolade ! Avec tout ce qui se publie dans les journaux et les hebdomadaires, y compris dans ceux que l’on pensait être les plus sérieux, il est loisible de mesurer combien la liberté d’expression n’est en aucune façon menacée en France.

En clair, cet « appel républicain » n’est ni politiquement signifiant, comme le pensent ses signataires, ni scandaleux, comme le pensent leurs adversaires. Il est seulement grotesque.

Dès que l’épisode électoral, aux enjeux exclusivement locaux, sera passé, il appartiendra au gouvernement de mettre en œuvre le programme de réformes de fond dont la France a besoin, pour lequel ont été élus le président de la République et sa majorité parlementaire et, en réalité, dans l’attente duquel nos concitoyens s’impatientent.

vendredi 8 février 2008

Le Rapport public annuel de la Cour des Comptes : la gabegie de l'Etat

Le Rapport public annuel de la Cour des Comptes, vénérable institution au passé bicentenaire, a été remis ces jours-ci au président de la République par son Premier président, Philippe Séguin. Ce document dresse un bilan des différentes pratiques publiques en matière de gestion de nos deniers. Et il est souvent édifiant. Cette fois-ci, une de plus, les hauts magistrats financiers pointent du doigt un certain nombre d’aberrations et de cas d’espèces éloquents sur l’incurie publique. Cette lèpre qui ronge notre Nation sans que personne n’y trouve grand chose à redire frappe à tous les étages de l’édifice étatique.




La Cour des Comptes critique en particulier l’Etat actionnaire. Malgré les progrès liés à la création de l'Agence des participations de l'Etat, les experts de la rue Cambon remarquent que l'Etat en tant qu'actionnaire est parfois tenté de vendre pour réduire son déficit, au détriment de ses intérêts à long terme. Il se retrouve "de plus en plus souvent dans une position d'actionnaire minoritaire ce qui affaiblit ses positions", dénonce M. Séguin. C'est l'exemple "symptomatique" d'EADS: "détenteur de 15% du capital, l'Etat s'est montré incapable au premier semestre 2007 d'exercer un contrôle effectif des comptes et des perspectives stratégiques de la société".

La Cour des comptes chiffre par ailleurs à 20,7 milliards d'euros la "très lourde" facture des "défaisances", ces opérations destinées à sortir des actifs compromis des comptes de sociétés publiques ou privées, comme le Crédit Lyonnais, le Crédit foncier de France, le Comptoir des entrepreneurs et le GAN (Groupe des assurances nationales).

Les remarques du rapport concernent non seulement l’Etat actionnaire mais aussi le rôle et la stratégie du CNRS, les universités ou l’évolution des structures et services aux demandeurs d’emploi. Sont aussi abordés des thèmes tels que la réforme de la gestion des pensions des fonctionnaires de l’État, la redevance audiovisuelle ou encore les interventions en faveur de l’égalité hommes-femmes. La Cour revient également sur la gestion du patrimoine immobilier public, une véritable gabegie.

Certes, la rapport Attali déclenche les foudres de la plupart des intérêts corporatistes de ce pays. Mais après celui dressé par Michel Camdessus et dont Nicolas Sarkozy, alors éphémère locataire de Bercy, avait dit qu’il en faisait son livre de chevet, il est grand temps de s’atteler à la rationalisation des dépenses publiques, à la maîtrise puis à la réduction de celles de l’Etat, des régimes sociaux et des collectivités locales, à la réduction de la dette publique puis à celle des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les ménages et les entreprises de notre pays. Ce n’est qu’ainsi que pourra être rendu aux Français une part de la richesse qu’ils produisent et aux entreprises la compétitivité qui leur manque face à la concurrence mondiale.

jeudi 7 février 2008

Société Générale : "KOLOSSALE" affaire !

Publié dans La Montagne du 1er février 2008

La rocambolesque affaire de la Société Générale place les mécanismes de fonctionnement des marchés financiers sur la sellette. Elle le fait avec d’autant plus d’acuité que nul n’y comprend rien, ou presque. A commencer, semble-t-il, par les principaux dirigeants de la banque qui, à l’instar de leurs collègues des autres établissement, ont laissé la bride sur le cou à de jeunes types qui jonglent avec les milliards en usant de méthodes complexes que leur sabir ne saurait en aucun cas rendre plus explicite. Le problème qui se pose ici est celui de la complexification d’une économie non seulement mondialisée mais également « financiarisée » et technicisée.




Que peut-on y faire ? Pas grand chose ? C’est un peu court.

Il serait tentant, à l’aune des encours des portefeuilles de petits porteurs dont je suis, d’être saisi d’un immense sentiment de ras-le-bol et de prêter une oreille attentive à la diarrhée verbale altermondialiste. Pour autant sympathique qu’elle puisse paraître à certains moments – quand elle est sincère et non pas quand elle sert de prothèse au communisme orphelin de la chute du grand frère soviétique – cette bouillie ne rime à rien.

Si, selon La Bruyère, Racine a peint les hommes tel qu’ils étaient et Corneille tels qu’ils devraient être, il en va de même des théories économiques. Du reste, le Forum Economique Mondial de Davos a, cette année, été marqué par l’absence de contre-manifestation du type de celle de Porto-Alegre…



Mais faut-il se contenter de tout cela ? Certainement pas.




Cependant la réponse n’est ni dans le Tout-Etat ni dans le laisser-faire. Ce n’est pas à la puissance publique de se substituer aux actionnaires de la Société Générale ou d’entrer à son capital. Le gouvernement, qui comme ses prédécesseurs pendant plus d’un quart de siècle fait entériner au Parlement des déficits budgétaires abyssaux (plus de 38 milliards d’euros fin 2007, soit près de 8 fois la « performance » de Jérôme Kerviel), a l’air fin de vouloir jouer le grand air du patriotisme économique quand le Président court la planète pour placer là des centrales nucléaires d’Areva, ici des avions d’Airbus ou ailleurs des trains d’Alstom !

On ne peut pas rassurer les Français en leur expliquant aussi mal quel est ce monde dans lequel ils vivent.

En revanche, l’économie capitaliste mondiale ne peut fonctionner correctement sans règles ni instances régulatrices, sans contraintes ni sanctions. La loi fondamentale de l’offre et de la demande, qui régit les échanges, est en situation de dysfonctionnement quand la rationalité des agents économiques est en cause.

Dans cette « KOLOSSALE » affaire, ce qui est en cause relève du management d’un établissement bancaire qui contrôle mal le travail de ses collaborateurs et qui n’exerce aucun contrôle des flux financiers effectués à partir de l’argent que lui confient ses clients et ses déposants. Sans aucun doute, les mesures correctives vont être mises en œuvre de telle sorte que de tels incidents ne se reproduisent plus. En dépit du caractère massif des pertes essuyées, la Société Générale est loin d’être faillie et il y a fort à parier qu’elle rebondira même si ce n’est plus dans la même configuration que celle qu’elle a connue jusqu’à lors.

En me relisant, je suis en train de me dire qu’il est finalement difficile d’être clair et précis sur un tel sujet mais cette apparente confusion des sentiments témoigne de la perplexité de l’opinion publique…

mercredi 6 février 2008

De Pompidou à Attali

Chronique publiée dans La Montagne du 25 janvier 2008

La séquence jet-set, un brin vulgaire et assurément de très mauvais aloi, est maintenant derrière nous, semble-t-il. L’alerte est sévère et la sanction des sondages de popularité n’a pas tardé à tomber. Nos concitoyens apprécient l’allant et la détermination de Nicolas Sarkozy à faire bouger les choses. Ils ne sont point rebutés par son hyper-activité à condition que celle-ci leur donne l’impression d’être dédiée à la résolution de leurs problèmes. Car ceux-ci, et ceux de la France dans la même occasion, sont pléthore. La sorte de krach boursier qui s’est abattue sur l’ensemble des places financières de la planète apporte, si besoin était, une nouvelle touche sombre à un tableau d’ensemble de l’économie qui ne porte guère à sourire.

Dans ce contexte, les Français, qui ne sont point aussi sots que certains le pensent, ont parfaitement compris que, premièrement, nous entrons dans une nouvelle phase de crise économique et que, deuxièmement, l’Etat français étant en situation de quasi-faillite, les recettes d’autrefois (le recours à l’Etat-providence) ne sont plus envisageables. Alors, ils veulent un président de crise. Ils aspirent à voir un chef de l’exécutif aux manettes, au four et au moulin, la sueur au front, les manches retroussées. La bimbo et les lunettes d’aviateur font mauvais genre à leurs yeux et ils leur préfèrent soudain le style «vieille école », très orléaniste, de François Fillon. Et ce n’est que justice !




Le Premier ministre donne au pays l’image rassurante et crédible d’un homme de terroir, compétent, intègre, volontaire et déterminé à changer les choses. A la fois pragmatique et réformateur, conservateur et moderne, François Fillon, fors la ressemblance physique, pourrait tenir en France la position qu’y occupa naguère Georges Pompidou.




Mais Nicolas Sarkozy a de la ressource et il n’a pas manqué de se ressaisir dès qu’il a reçu le message de l’opinion publique, relayée par les élus de sa majorité. Dans ses vœux au corps diplomatique, il a déclaré qu’il « n’[a] pas été élu pour [s]’incliner devant des fatalités. Du reste, je ne crois pas à la fatalité. J’ai été élu pour créer des opportunités, pour changer la France à travers un processus continu de réformes profondes. »

Le rapport de la Commission Attali qui vient de lui être remis lui donne une bonne occasion d’illustrer cette volonté. Etait-il maladroit de confier la présidence de cette commission à l’ancien conseiller spécial de François Mitterrand ? Je crois la manœuvre au contraire plutôt habile. En effet, dans ce bon vieux pays de France, il vaut mieux faire endosser les idées libérales à des gens de gauche pour les rendre acceptables. Certes, Jacques Attali ne peut résister à quelques carabistouilles un brin provocatrices à l’égard des élus (la suppression des départements) ou de l’opinion (l’ouverture des vannes de l’immigration). En revanche, les propositions dont il se fait l’interprète relèvent du bon sens pour la plupart et nécessiteront courage et détermination lors de leur mise en œuvre.




Mais, dans une démocratie, le pouvoir ne saurait appartenir aux experts. C’est donc au gouvernement et au Parlement qu’il revient de séparer le bon grain de l’ivraie. Ce rapport offre une opportunité considérable de lancer des réformes en profondeur et aux partis de la majorité comme de l’opposition de prendre leurs responsabilités. Tout faire sans discernement relèverait de la maladresse. Ne rien faire, à contrario, serait une faute. De même que c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon, c’est au pied de la réforme que l’on reconnaîtra le président réformateur. A lui de jouer maintenant. Flanqué de François Fillon, il ne peut espérer meilleure compagnie pour relever ce défi.