jeudi 29 mai 2008

Delanoë libéral ?

« La gauche doit se réapproprier avec fierté le mot et la chose. » C’est Bertrand Delanoë, le maire de Paris, qui est l’auteur de ces mots, publiés dans le livre d’entretiens qu’il a donnés à Laurent Joffrin, le directeur de Libération (« De l’audace », Robert Laffont). De quoi parle-t-il au juste ? Du libéralisme.




Et le candidat supposé au premier secrétariat du Parti socialiste de persister dans son propos : « Je suis libéral. (…) Le libéralisme, c'est la tolérance devant les démarches individuelles. (…) La gauche doit adopter une doctrine de la liberté et de la justice dans une société imparfaite et non une doctrine de la lutte des classes qui nous promet une société égalitaire et parfaite. (…)Si les socialistes du XXIème siècle acceptent enfin pleinement le libéralisme, s'ils ne tiennent plus les termes de “concurrence” ou de “compétition” pour des gros mots, c'est tout l'humanisme libéral qui entrera de plein droit dans leur corpus idéologique. Il faut choisir : la synthèse est morte. Voici venu le temps des différences assumées. » Le choc est rude dans un pays où cette pensée politique est généralement vouée aux gémonies.

Comment doit-on interpréter cela ? Il y a quelque chose de cocasse dans cette nouvelle surenchère préparatoire au prochain congrès socialiste et dont on voit bien qu’il aura à trancher entre les candidatures de Ségolène Royal et de Bertrand Delanoë. Néanmoins, il faut probablement y voir moins une posture qu’un véritable mouvement de fond assez bienvenu dans un pays, le nôtre, qui s’est longtemps désolé d’avoir à la fois la droite la plus bête du monde et la gauche la plus ringarde.
Bad Godesberg est une ancienne commune allemande et depuis 1969 un district de la commune de Bonn en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Elle est surtout connue pour avoir accueilli en 1959 le congrès du Parti Social-démocrate allemand qui a approuvé l'abandon du marxisme et l'acceptation de l'économie de marché. Un demi-siècle plus tard, le Congrès du Parti Socialiste français va-t-il enfin opérer sa mue et servir une gauche s’alignant sur le pragmatisme des Blair, Prodi et autres Zapatero ? Il en serait temps. Acceptons-en l’augure.

La droite française, pour mener à bien sa politique de réformes, a besoin d’avoir des interlocuteurs de qualité : des syndicats puissants et représentatifs des salariés, une opposition sociale-démocrate responsable capable un jour d’assumer une alternance sans retour brutal de balancier.

Si les syndicats et le PS renoncent au marxisme, à l’illusion révolutionnaire et coupent le cordon ombilical et le remords quasi-freudien qui les lient au presque feu Parti communiste français, nous avons peut-être là les ferments d’une autre forme de rupture, qui n’est pas inintéressante et loin s’en faut.

mercredi 14 mai 2008

Vlaminck : un instinct fauve

Depuis le 20 février et jusqu'au 20 juillet, le Musée du Luxembourg à Paris propose une exposition consacrée au peintre Vlaminck.



"Sur les cimaises du musée du Luxembourg, la déflagration Vlaminck est intense, mais brève. Champs orange, bords de Seine violets, cieux chauffés à vif, la première moitié de l'exposition est une formidable plongée en apnée dans une peinture de plein air pratiquée à l'instinct, entre culte voué à Van Gogh et ivresse de la liberté. Mais au tournant d'une salle - nous sommes à peine en 1907 -, tout s'écroule. Les natures mortes empruntent à Cézanne, les paysages anguleux aux expressionnistes allemands, les quelques portraits à Van Dongen. Tout manque d'âme, d'émotion, de spontanéité. Comme si Vlaminck, en voulant s'affranchir du fauvisme qui risquait de tourner au procédé, s'était condamné à tourner en rond. Cruauté du don qui s'échappe quand il s'agit de le dompter."
Sophie Cachon

Telerama n° 3035 - 15 mars 2008

C'est en effet, la période fauve de l'oeuvre de Vlaminck, avec cet éclatement de couleurs et de fulgurances qui m'a véritablement ébloui dans cette exposition.

Ci-dessous, mes coups de coeur :



LES RAMASSEURS DE POMMES DE TERRE, 1905



LE VERGER, 1905



CHALAND SUR LA SEINE AU PECQ, 1906



LE PONT DE CHATOU, 1906/07

mardi 13 mai 2008

Quels leviers pour la relance du pouvoir d'achat ?

Un an après l’élection de Nicolas Sarkozy, les Français semblent stupéfiés devant l’amertume de la potion que s’apprête à leur administrer le pouvoir. C’est véritablement de l’huile de foie de morue, et à forte dose, que nous allons devoir avaler. A qui s’en prendre ? A nous-même ! Ce serait plus honnête. Repartant du principal thème de la campagne présidentielle, ou de celui qui a été retenu comme tel, ce qui revient au même, constatons que la plus grande préoccupation des Français est leur pouvoir d’achat. Comment, alors, faire redémarrer la machine ? Les leviers de la relance du pouvoir d’achat ne sont pas pléthore.

La relance par les salaires ? Impasse. Le gouvernement n’a pas les moyens de décider autoritairement des augmentations de salaire dans les entreprises. Un Grenelle aboutissant, comme il y a quarante ans, à de fortes augmentations engendrerait nécessairement une aggravation de l’inflation. Ce qui serait à rebours de l’effet escompté.

La baisse des prélèvements ? Séduisant. Las, nous avons à éponger trois décennies d’incurie de la part de tous les gouvernements (gauche et droite confondues) ayant abouti à des budgets de l’Etat en déficit permanent et dont le cumul se caractérise par un endettement pléthorique. En outre, les transferts de compétences opérés vers les collectivités territoriales sans transferts de ressources durables ni même réduction de la voilure étatique conduit à un alourdissement de la fiscalité locale. En revanche, le gouvernement Fillon engage la seule politique possible : une révision générale des politiques publiques devant entraîner des réductions drastiques de dépenses publiques et d’effectifs de fonctionnaires.

La redistribution ? Les profonds déséquilibres constatés des différents comptes sociaux rendent illusoire l’espoir de recours aux bonnes vieilles recettes de l’Etat-providence. L’enfer étant pavé de bonnes intentions, et si de tels dispositifs d’accompagnement des accidents de la vie étaient justifiables, les abus et les largesses ont compromis durablement le système. L’allongement de la durée de cotisations pour les retraites ou l’instauration d’une franchise médicale préfigurent d’autres révisions déchirantes telles le recours aux mutuelles ou aux assurances pour le financement de la dépendance.

Le partage du travail ? Là, on touche au cœur des illusions coûteuses. L’instauration des 35 heures n’a pas conduit à la moindre réduction du chômage. Au contraire avec, en dommage collatéral, un gel global des salaires, une perte de compétitivité et des déficits publics encore plus accentués. Les préretraites ou l’avancement de l’âge légal de départ à 60 ans n’ont pas plus favorisé l’entrée des jeunes sur le marché du travail. Au contraire, non seulement nous avons l’un des plus faibles taux d’activité de seniors en Europe mais encore une des plus forts taux de chômage des jeunes.



Les prix ? Dans les années 60 et 70, la fixation administrative des prix n’a jamais empêché l’inflation. Au contraire même, elle l’a entretenue. Ce n’est donc pas de réglementation supplémentaire dont nous avons besoin mais de davantage de concurrence. C’est en partie le propos de la Loi de Modernisation de l’Economie présentée par Christine Lagarde. En outre, il n’y a aucun espoir de voir le prix de l’énergie redescendre aux niveaux dont nous avons la nostalgie. Il faut donc apprendre à changer nos habitudes de transport et, plus généralement, de consommation.

Tout ceci n’est guère réjouissant ? Probablement mais nous devons, avant de nous en prendre à ceux qui ont la déveine d’être aux affaires maintenant, prendre conscience de ceci : nous avons collectivement vécu très largement au-dessus de nos moyens sur le fondement d’une double illusion, celle des dépenses publiques à fonds perdus et de l’énergie accessible et bon marché. Il fallait bien payer un jour l’addition. De plus, non seulement, ce jour est arrivé mais, comble de malchance, il intervient dans un contexte économique mondial très défavorable.




Quelle que soit l’ampleur de la contestation sociale à venir, la politique engagée par le gouvernement est la seule possible.