jeudi 30 août 2007

Philippe Raynaud : "Qu'est-ce que le libéralisme ?" (2ème partie)

Dans son analyse pénétrante de la situation du libéralisme dans la culture politique française (in "Commentaire" n°118), le politologue Philippe Raynaud rappelle les trois traits permanents de la tradition libérale : les droits de l’homme, la limitation de la souveraineté, l’autonomie de la société civile. « La meilleure expression de la théorie libérale du contrat social se trouve dans la philosophie politique de Locke. » Le penseur, philosophe et essayiste anglais de la deuxième moitié du XVIème siècle, auteur des « Deux Traités du Gouvernement civil », a développé dans son œuvre une conception de la légitimité du pouvoir fondée sur le respect du droit des individus, de la « Loi naturelle » d’inspiration chrétienne et dont l’expression juridique sera la Déclaration d’indépendance américaine, dont de nombreux aspects figurent dans la Déclaration des Droits de l’Homme française. En ce qui concerne la limitation de la souveraineté par la séparation des pouvoirs, Philippe Raynaud cite abondamment Montesquieu dont la doctrine se fonde non seulement sur l’exemple anglais qu’il avait sous les yeux mais également sur une théorie très classique depuis l’Antiquité grecque et romaine, celle du régime mixte, élaboré notamment par Aristote. L’universitaire parisien écrit ceci : « L’équilibre ou la séparation des pouvoirs est une nécessité interne à la logique libérale. (…) Montesquieu est un des premiers à voir que le ressort politique n’est pas seulement l’agencement des institutions, mais l’équilibre entre les forces politiques qu’on appellera les partis. (…) La séparation des pouvoirs garantit que les droits soient assurés et que la société jouisse d’une certaine indépendance à l’égard du gouvernement et de l’Etat. » Pour que le système politique ait une cohérence et fonctionne de façon efficiente, il convient alors de privilégier un mode d’organisation fondé sur la représentation, c’est à dire s’appuyant sur une « classe politique relativement distincte du reste de la population, même si elle dépend du suffrage universel. » C’est l’apport américain d’une « République représentative », autrement appelée dans ce texte « république commerçante » en référence à Madison. La notion d’autonomie de la société civile induit la dimension économique du libéralisme. Philippe Raynaud cite évidemment Adam Smith et sa théorie de la « main invisible » mais ce qui compte, au yeux des libéraux, c’est d’ « établir des relations relativement harmonieuses entre les individus, si on renonce d’un côté à la force coercitive des l’Etat et de l’autre au type de liens hiérarchiques établis dans les anciennes formes de coopération », c’est à dire les anciennes corporations que connaissait l’Ancien Régime français.

Dans son vaste tableau sur la question libérale, l’auteur pointe également des problèmes permanents dont le premier est l’opposition historique entre idée démocratique et idée libérale que surmontera Tocqueville qu’il oppose dans un passionnant dialogue, finalement pas toujours contradictoire, à Marx mais qui aboutit bien sûr à des interprétations opposées de la démocratie.

Très aronien, ce texte passionnant et dense est à recommander non seulement à ceux sensibles à la théorie libérale mais également à ceux qui la rejettent, parfois sans savoir.

vendredi 24 août 2007

Philippe Raynaud : "Qu'est-ce que le libéralisme ?" (1ère partie)

L’été s’achève dans les frimas, au moins dans nos Pyrénées, et déjà apparaissent les grands débats qui seront ceux de la rentrée politique, économique et sociale en France, sur fond de persistance de la crise économique, rendue plus perceptible par la crise que traversent les marchés financiers avec les fameux « subprime ». Le moment est venu de nous attarder sur une des caractéristiques les plus saisissantes de la société française et qui permet de cerner les raisons de sa difficulté à entrer autrement qu’à reculons dans la modernité. La France est la seule nation démocratique où « libéral » est une insulte.

Dans son numéro daté de cet été (n°118), la revue « Commentaire » publie un très intéressant article de Philippe Raynaud, « Qu’est-ce que le libéralisme ? ».




Professeur de science politique à l’université Panthéon-Assas, auteur de nombreux essais et publications de philosophie et de théorie politiques, Philippe Raynaud pose de façon passionnante la « question libérale » en France. Son raisonnement part de ce paradoxe qui pourrait sembler cocasse : « La France a ceci de curieux que, alors qu’elle est probablement, dans le monde développé et démocratique, un des pays dont la politique économique est l’une des moins libérales, beaucoup de Français croient vivre sous une forme de dictature libérale. »

Mais au fond, sait-on de quoi on parle ? Comment ne pas être agacé par ces « antilibéraux » et autres « altermondialistes » qui, orphelins des pseudo-« démocraties populaires » communistes, vouent aux gémonies la « démocratie libérale », s’appuyant sur une dénonciation de la pénétration supposée des idées néo-conservatrices américaines en France ?

Il faut lire le texte de Philippe Raynaud pour bien comprendre ce qu’est le libéralisme et mesurer l’ineptie que constitue son rejet viscéral dans le pays de Montesquieu, Constant et Tocqueville. Cela est d’autant plus surprenant qu’à bien y réfléchir, rappelle l’auteur, « certaines idées libérales ont fini par progresser dans la classe politique, et même dans la majorité de la population ; personne ne conteste sérieusement l’idée de la séparation des pouvoirs, tout le monde demande une certaine indépendance de la justice et le constitutionnalisme, c’est à dire le fait que le législateur soit l’objet d’un contrôle qui vérifie la conformité des lois avec la Constitution, est maintenant très largement admis, même à gauche. [N. de l’A. : la saisine régulière du conseil constitutionnel par les députés socialistes est une pratique libérale qu’ils n’avouent pas. L’hommage du vice à la vertu ?] Même dans la sphère économique, certaines idées libérales ont progressé : peu de gens, en dehors d’Olivier Besancenot, demandent la fin de l’économie de marché et la plupart des gouvernements (même et surtout de gauche) ont accompli des privatisations. » Paraphrasant la pensée marxiste, Philippe Raynaud moque cette « fausse conscience » qu’il appelle mauvaise foi et qui voit la société française, et notamment politique, prendre acte de transformations libérales, voire y concourir, en refusant l’idée même de libéralisme.

Dans son texte, pédagogique et accessible, le politologue définit les traits permanents du libéralisme : le droit des individus, la séparation des pouvoirs et l’autonomie de la société, d’où découle la théorie économique classique. (à suivre)

jeudi 23 août 2007

Mgr Lustiger, le judaïsme et le christianisme - (in Revue Commentaire)

La semaine dernière, j'ai publié ici même un billet dans lequel j'exprimais avec retenue et, je l'espère, discernement, le trouble qui avait été le mien au spectacle des obsèques du cardianl Lustiger et au cours desquels fut réservé un moment pour le rite juif.

Paraphrasant le prophète Isaïe, je m'engageais, comme croyant à comprendre.

Pour ce faire, je me suis plongé dans ma bibliothèque et j'y ai retrouvé la revue Commentaire, dans sa livraison de l'été 2006.



Cette excellente publication donnait, l'an passé, à lire le texte d'une conférence prononcée par Mgr Lustiger à Rome, en octobre 2005, pour le quarantième anniversaire de l'encyclique Nostra Aetate, sur les relations entre l'Eglise et les religions non chrétiennes, et qui coïncidait avec le soixantième anniversaire de l'entrée des troupes russes au camp d'Auschwitz.

Le cardinal Lustiger, dans ce texte profond et finalement assez aisément intelligible pour un vulgum pecus de mon espèce, explorait avec force les responsabilités respectives des juifs et des chrétiens vis à vis de Dieu, des hommes et même respectivement les uns à l'égard des autres. "Premièrement : juifs et chrétiens exercent ensemble une responsabilité à l'égard de la civilisation et de l'ensemble des hommes. Deuxièmement : juifs et chrétiens portent ensemble la charge de la Révélation biblique. cette commune responsabilité est immense et doit transcender toute autre forme de sentiment, qu'elle soit de nature confessionnelle ou nationale". Mgr Lustiger revendiquait avec puissance le concept de civilisation judéo-chrétienne, souvent décriée ou présentée de façon péjorative, mais dont l'évidence et la prégnence s'imposent à notre foi, à notre vie et à nos actions.

Issu de la religion juive, converti et devenu prince de l'Eglise de Rome, Mgr Lustiger soulignait l'indubitable convergence entre judaïsme et christianisme. Elle est fondé sur "l'exigence morale nécessaire à la vie de la société", elle-même puisant sa source dans le Bible et les Commandements contenus dans sa Révélation. Dès lors, l'appel à l'unité, après la réconciliation, des juifs et des chrétiens est non seulement une nécessité mais également une marque de fidélité aux commandements de Dieu comme à l'enseignement du Christ. "Chez les chrétiens, les juifs apôtres de Jésus ont obéi, non sans peine, à cet oracle prophétique ["En toi se béniront toutes les nations de la terre." (Gn, 12,3)], découvrant presque à leur corps défendant et avec étonnement que le don de l'Esprit était également accordé aux païens. L'ordre de Jésus donné aux siens d'aller enseigner toutes les nations (les goïms) pour former parmi elles des disciples qui recevront le baptême (Mt, 28, 19), en réalité, fait rejoindre aux chrétiens l'espérance juive pour le monde."

Dans cette conférence prononcée également à la suite de la visite du Pape Benoît XVI à la synagogue de Cologne, Mgr Lustiger souligne le statut singulier du peple juif qui "vit dans une situation paradoxale. Il demeure un peuple, il continue de revendiquer ce nom." Dans le même temps, il vit dispersé dans le monde, dans les différentes nations où ses fils et filles ont su souvent trouver toute leur place. "Il existe au sein de la diversité humaine des guetteurs et des témoins de la lumière de l'origine, non pour l'imposer, mais pour aider l'humanité à déchiffrer sa destinée. Les juifs ont conscience de leur particularité historique puisque cette Révélation leur a été confiée en premier, une fois pour toutes de façon irrévocable."

A leur suite, et à côté, les chrétiens sont des "bénéficiaires de cette première bénédiction" car l'Eglise des fidèles de Jésus est née des juifs.

Mgr Lustiger, au cours de cette intervention, a éclairé trs nettement ses auditeurs et, par ce texte publié, continue d'éclairer ses lecteurs, sur l'incontournable exigence de rencontre des juifs et des chrétiens pour que chacun comprenne, ou puisse comprendre, s'il en ressent le besoin dans son coeur, ce que Dieu exige de lui. A ce stade de son développement, Mgr Lustiger a exposé les termes de ce qu'il qualifie lui-même d'aporie, c'est à dire de difficulté extrême, de problème près d'être insoluble :

- "sans les juifs, l'universalité chrétienne pourrait se dissoudre dans un humanisme abstrait" ;

- "sans les chrétiens, le judaïsme, porteur de la bénédiction promise à toutes les nations, peut-il réaliser sa tâche sans se résorber dans la rationnalité universelle des Lumières, et sans vider de sa substance l'histoire qui l'a engendré ?"

L'enjeu, tel qu'il se posait aux yeux de l'ancien archevêque de Paris, résidait, pour les juifs, à résoudre l'équation de leur propre identité écartelée entre l'identité nationale israélienne et l'identité diasporique. "Pour sa part, au risque de se perdre en perdant son universalité, le christianisme ne peut accepter ce déracinement hors d'Israël, c'est à dire hors de l'Alliance, du choix premier de Dieu. La rencontre - le lien - des juifs et des chrétiens, dans la tension toujours à respecter entre eux, offre à l'humanité entière son visage originel et conforte son espérance d'une unité pacifique."

"Aujourd'hui, au vu de l'histoire, sans que le rapprochement puisse rendre moins aiguës les divergences, l'urgence de l'appel reçu aux origines oblige les frères séparés, le frère ainé et le puiné, à répondre, chacun pour sa part, à la mission qui lui est assignée. Aucun ne peut la remplir sans l'autre, sans pour autant faire violence à l'autre ni le réduire."

C'est ce message qui, je le crois maintenant, nous était délivré le matin des funérailles du cardinal Lustiger.

dimanche 19 août 2007

Jean d'Ormesson : "La création du monde"

Quatre amis passent, comme chaque année, huit jours de vacances sur une île de la Méditerranée. Au menu de leurs retrouvailles, sous l’ombre propice d’un figuier, agapes, bons vins, cigares et conversations infinies. Le premier des convives, trotskiste et plusieurs fois millionnaire (sic), enseigne la psychiatrie à Harvard ; le deuxième est énarque et, après avoir « pantouflé » dans des grandes sociétés, est revenu à la politique ; le troisième occupe une chaire de « physique mathématique appliquée aux sciences de la vie » au Collège de France ; le quatrième, dont on ne sait rien, est le narrateur. L’un de ces brillants causeurs a apporté à ses amis le manuscrit que lui a envoyé un correspondant dont il dit tout ignorer sinon qu’il s’appelle Simon Laquedem. Chacun se relaie pour le lire à haute voix et le débat s’instaure. Et il vole haut au regard du récit que Laquedem a consigné sur deux cahiers. En effet, au cours de rêves successifs dont il a décidé de faire la relation, un ange annonce à Simon qu’il est le nouvel Abraham, le nouveau Moïse, voire le nouveau Mahomet (excusez du peu !) et que Dieu l’a élu – parce qu’il est un insignifiant archiviste-paléographe – pour lui parler. Et le Créateur se confie à son nouveau Prophète sur le big-bang, l’espace et le temps, l’eau, la lumière, la vie, la pensée et l’histoire.

Tel est l’argument du roman de Jean d’Ormesson, « La création du monde », (Robert Laffont, 2006), publié en octobre dernier et dont je ne saurais trop recommander la lecture en cette fin d’été.



Il faut aimer le style et la personnalité d’Ormesson pour goûter pleinement ce livre qui n’est pas sans rappeler un précédent, « Le rapport Gabriel » (Gallimard, 2001), dans lequel Dieu, à la veille d’abandonner les hommes à leur triste sort, dépêche l’ange Gabriel sur Terre et le charge d’un rapport de la dernière chance à la lecture duquel il décidera s’il y a lieu de sauver sa Création. A qui s’adresse alors Gabriel pour réussir sa mission ? A Ormesson, bien sûr, sur les épaules de qui repose alors notre destin…

Avec « La création du monde », c’est un peu la même chose : une brillante digression, très enlevée, assez jubilatoire. Comme il aime à le faire, notre académicien badine avec des sujets philosophiques et spirituels très sérieux et austères. Ce livre est un aimable résumé de philosophie générale, une élégante conversation de salon à la manière du XVIIIème siècle. « La pensée aux mille ressources a inventé un instrument formidable de récupération et de conservation des paroles : l’écriture. Pensée au second degré, parole figée sur place, l’écriture est du langage conservé dans l’espace sous forme de signes au lieu de rester dispersé dans le temps sous forme de sons. » Comment dire ? Je crois qu’il dirait lui-même : épatant !

Pour les amateurs inconditionnels de Jean d’Ormesson, à ne pas manquer non plus, vient dernièrement de paraître un recueil de chroniques et billets d’humeurs, de 1969 à nos jours, sous le titre « Odeur du temps » (éditions Héloïse d’Ormesson). On y retrouve avec plaisir la plume vive et alerte de l’ancien directeur du Figaro, qui défend avec passion son amour de la littérature, de l’art, bref, de la vie. Ormesson est un témoin vif, précis et pétillant d’un monde qui, dans le fond, ne cesse de l’amuser.

mardi 14 août 2007

Obsèques du Cardinal Lustiger

Vendredi dernier, j'ai été troublé devant les images de la retransmission télévisée des obsèques du cardinal Lustiger, à Paris. Troublé mais non choqué, à vrai dire. Voilà ce que cette cérémonie m'inspire.

J'avais été ému par le décès du prélat, auquel l'opinion attentive était préparée depuis ses adieux dignes et courageux, le 31 mai dernier, sous la coupole du quai Conti, lors de la séance qui avait vu l'élection de Max Gallo à l'Académie française.

Je savais, comme tout le monde, l'origine juive d'Aaron Lustiger, converti au catholicisme à l'adolescence. Je connaissais ce que la presse avait publié de ses dernières volontés relatives à l'organisation de ses funérailles.

Inutile de dire que je suis pas antisémite. Au surplus, je ne crains pas de penser, d'écrire et de dire à qui veut l'entendre qu'aucun chrétien ne saurait être antisémite tant les Ecritures que nous avons en partage nous obligent, tant les siècles d'antagonisme et d'incompréhension nous accablent.

Mais le judaïsme est une religion distincte du christianisme, fors le tronc commun de l'Ancien Testament. Pour les chrétiens, les Saintes Ecritures comptent aussi, et surtout, le Nouveau Testament, avec les Evangiles annonçant la bonne nouvelle de la vie, de la mort et de la résurrection du Christ.

Alors, au début, à la vue de ces images sur l'écran, je fus touché par l'idée même de la récitation du kaddish, du prononcé de cette prière traditionnelle juive, en ouverture des obsèques du cardinal.

Puis le trouble me gagna devant un rite appartenant à une autre foi, sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ce n'était pas tant cette manifestation d'oecuménisme qui me gênait que l'idée que cela fût commenté en précisant que l'ancien titulaire du siège archiépiscopal de la la capitale française, proche du défunt Pape Jean-Paul II, aurait témoigné, à la fin de ses jours, n'avoir jamais cessé d'être juif.

Cette admirable fidélité à la foi de sa mère morte à Auschwitz, victime de l'ignominie dont parfois les hommes savent se rendre coupables et dont ils sont impardonnables, ne peut ignorer les obligations du converti à la foi catholique, devenu prince de l'Eglise et membre du collège des chefs temporels comme spirituels de la chrétienté de rite catholique, placés par les Souverains Pontifes sur les marches de leur Trône de Rome.

Que doivent penser les fidèles, les croyants en butte au relativisme ambiant d'une société qui travesti et confond tout ?

Alors oui, mon trouble est grand.

Hier, dans "Le Monde", le philosophe et universitaire Jean-Luc Marion témoigne de "l'intelligence de la foi" du cardinal Lustiger : "Il vivait d'abord dans un face à face permanent, antérieur et irréfragable avec Dieu, avec une évidence absolue de sa présence."

Marion ouvre sa tribune au journal du soir par ceci : "Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas." (Isaïe, 7,9)

Alors, comme je croie, j'essaie de comprendre.

jeudi 9 août 2007

"La fille coupée en deux"

« La fille coupée en deux », le dernier film de Claude Chabrol, dispose de tous les ingrédients pour être un très grand film.

Avec le fin scalpel d’un implacable médecin légiste, Chabrol autopsie les mœurs et les turpitudes de ses semblables.

« La fille coupée en deux » est une comédie de mœurs, une fable immorale servie par une distribution magnifique.

Une jeune animatrice de la télévision locale lyonnaise tombe follement amoureuse d’un célèbre écrivain beaucoup plus âgé qu’elle, égoïste et libertin. Quand tout est consommé, il l’abandonne et la belle éplorée, plutôt que de se laisser mourir, finit par accepter d’épouser l’héritier d’une dynastie industrielle, aussi timbré que riche.



Ludivine Sagnier est exceptionnelle. Elle manie avec un talent et un charme immenses toute la gamme des sentiments, tour à tour délicieusement allumeuse, séductrice, coquine, fragile, blessée, dépressive, humiliée, et j’en passe.

Benoît Magimel est, lui aussi, parfait dans le rôle du gosse de riche, arrogant et capricieux à souhait, totalement déséquilibré mais finalement lui aussi fragile.

François Berléand est un sale type très crédible, manipulateur et jouisseur.

Mathilda May fait un retour remarqué au premier plan.

Catherine Silhol est admirable dans son rôle de grande dame de la bourgeoisie lyonnaise, attachée à ses œuvres caritatives, à ses dîners en ville avec Monseigneur et à, surtout, veiller qu’aucun scandale ne vienne entacher son milieu social.

Mais, car il faut bien reconnaître qu’il y a un mais, la fin est décevante. Pour tout dire, le dénouement – un brin cucul la praline – n’est pas à la hauteur de l’amoralisme de cette histoire. On eût largement préféré une conclusion plus perverse que celle-ci qui est bien convenue.

Autre critique : je n'arrive toujours pas à apprécier la musique "grinçante" de Matthieu Chabrol qui, pour cause, figure, à chaque fois, sur la bande-originale des films de son père. Celle-ci ne fait pas exception à la règle.

Mais il faut quand même aller voir « La fille coupée en deux ».

lundi 6 août 2007

François-Xavier Brunet : "Un songe d'or et de fumée"

Un homme fuit sa vie pour mieux renaître à une autre. Etienne Santini en fait peu à peu sa devise, lui qui devient François Meursault au fil des pages, criminel traqué malgré lui puis écrivain... malgré lui. Ce récit commence comme un polar ancré dans le sud-ouest, mêlant souvenirs érotiques et intrigue complexe. Mais il se transforme peu à peu en réflexion sur la littérature et l’inspiration, le livre devient « le parcours d’un possédé » qui finit par se rendre à la raison. Au creux des pages, des figures et des courbes de femmes apparaissent, en rêve ou en réalité. Et Nuria, la femme au double visage, mystérieuse et dominatrice, revêt son habit de muse moderne, libre et exigeante. Laissez-vous porter par le parfum d’aventure et de plaisir, une aventure de la chair et des mots.



Le point de vue de l'éditeur :Auteur à suivre. D'une écriture précise et fluide, élégante sans être savante, l'auteur entraîne le lecteur dans les méandres d'une intrigue complexe où la haute finance croise les arcanes du pouvoir. Le héros narrateur, un universitaire toulousain auteur de polars érotiques à ses heures, se retrouve ainsi comme en prise directe avec ces univers qu'il a déclinés au long de ses romans...

Pour commander ce livre : cliquez ici.

vendredi 3 août 2007

Chardonne, Beckett et Woody Allen...

Amis, je vous ai déjà entretenus de Jacques Chardonne. Que dire de plus de celui qui fut, avant d’être ce grand écrivain reconnu, directeur littéraire des éditions Stock ? Citons « Claire », « Le bonheur de Barbezieux », « Les destinées sentimentales »…

J’aime la langue précise sans être précieuse du romancier charentais. Alors, pour cette pause estivale, je vous invite dans ma bibliothèque personnelle. Vous y trouverez avec moi une pépite que je vous confie, l’espace d’un instant. Calez-vous bien dans un fauteuil. Si cela vous tente, goûtez un whisky (islay bien tourbé ?) et allumez un cigare (quelle incitation à la débauche !).




Voici entre vos mains une édition originale de 1956 des « Matinales », chez Albin-Michel. L’avertissement est de l’auteur : « Tout le plaisir des jours est en leurs matinées, dit Malherbe. Voici des pages écrites dans les matinées de 1955 (six pages exceptées) ; elles n’ont d’autre lien que celui des jours à leur meilleur moment. Si l’on a du goût pour les contes et les romans, on en trouvera ici de la graine ; d’autres choses encore, et même un peu de fantaisie dans le mélange. » A savourer dans le silence des grandes siestes de l’été.

Autre genre mais joie intense de l’esprit préservé, cette saison, des trop fortes chaleurs, les cours inédits de littérature de Samuel Beckett, publiés chez Grasset cette année par Brigitte Le Juez, «Beckett avant la lettre». Avant d’être l’écrivain que l’on sait qu’il fut, Beckett enseigna au début des années 30 la littérature française au Trinity College de Dublin. Rachel Burrows, une de ses étudiantes, a conservé précieusement les notes qu’elle prit alors. Le jeune enseignant avait pour mission d’introduire son auditoire à la littérature moderne par deux sésames, Gide pour le roman et Racine pour le théâtre. Dans ses explications, il oppose le premier à Balzac et le second à Corneille. Le compte-rendu de ces cours n’est pas le verbatim fidèle mais permet de découvrir une pensée bientôt au service d’une œuvre. Ce cahier de notes dormait depuis des décennies dans les archives de la bibliothèque du Trinity College. Grâces soient rendues à Mme Le Juez, qui enseigne aujourd’hui la littérature française à la même université irlandaise, de l’avoir sorti de là.




Pour finir, et vive l’éclectisme !, offrez-vous le dernier Woody Allen. Non pas le film mais le livre. En effet, le plus français des cinéastes américains a publié avant l’été un recueil de nouvelles intitulé « L’erreur est humaine » (Flammarion). Il ne serait pas humain de s’en priver. Vous y découvrirez, dans la veine de l’auteur, de courtes histoires, des fables morales toutes plus déjantées, bizarres et drôles les unes que les autres. Il faut aimer l’humour au second degré et le sens de l’absurde d’Allen pour savourer « L’erreur est humaine ». Je n’ai, pour ma part, pas boudé mon plaisir. Citons de lui seulement une réplique du personnage qu’il incarne dans « Scoop », son film le plus récent : « Je suis né de confession hébraïque et je me suis aussitôt converti au narcissisme. » Sans renoncer au plaisir de celle-ci, râbachée mais tellement drôle : « Dieu est mort, Marx est mort, et moi-même, je ne me sens pas très bien… »

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mercredi 1 août 2007

Giuseppe Verdi : "Le Trouvère" (Il Trovatore)

Cet extrait n'est pas celui de la représentation du Trouvère de Verdi, donnée hier soir aux Chorégies d'Orange, et retransmise en direct sur France 2.

Ce fut néanmoins un bonheur d'une intensité extraordinaire qui ne peut laisser personne insensible.

Alors, pour le plaisir, écoutez l'air célébrissime de l'acte 2 de ce magnifique opéra.

L'opéra n'est pas un art élitisme, réservé à des érudits. C'est, par essence, un spectacle populaire complet, alliant musique, chant, théâtre...




Ah!, comme cela fait du bien à l'âme!...