samedi 29 septembre 2007

Guerre et faillite

J’ai gardé, des années que je passai au collège, un fidèle camarade qui jamais ne me déçut. Bien qu’il soit un objet, j’ai avec lui une telle intimité que je m’abandonne à son égard aux facilités de l’anthropomorphisme. Car il faut avouer que non seulement je le considère très parlant mais au surplus il répond fort à propos à beaucoup de mes interrogations. Foin de circonlocutions dilatoires ! je fais mon « coming out » : j’aime mon dictionnaire. Oh, il n’est pas un Robert, ni grand ni petit, pas plus que l’imposant et considérable Littré. Il s’agit du Petit Larousse que je reçus en cadeau de mes parents pour mon entrée en sixième. Je le consulte souvent pour y vérifier l’orthographe exacte d’un mot – j’avoue pratiquer cette « science des ânes » – ou le bon usage d’un substantif peu ou mal utilisé. Pourquoi vous entretiens-je de cela ? Parce que je me suis vu dans l’obligation de recourir aux services de l’ami Larousse pour relire la définition des deux mots qui font actuellement le plus scandale : guerre et faillite. Cela ressemble à du Tolstoï pastiché mais n’est en réalité que le dernier cheval de bataille des pratiquants de la pensée unique.




« Guerre : n. f. Epreuve de force entre Etats, entre peuples, entre partis. »
« Faillite : n.f. Etat d’un débiteur qui ne peut plus payer ses créanciers (être en faillite ; faire faillite) // Echec complet d’une entreprise (la faillite d’une politique)
»




Un Etat fanatique, théocratique, armant et finançant depuis son instauration une kyrielle de mouvements terroristes, s’il parvient à se doter de l’arme atomique, doit être considéré avec lucidité. Dans le contexte d’instabilité du Proche et du Moyen Orients, l’Iran, s’il parvient à ses fins, risque de provoquer une course aux armes de destruction massive qui aboutira nécessairement à une guerre où sera fait usage de l’arme nucléaire. Les pressions internationales exercées sur ce pays pour l’empêcher d’atteindre ses buts relèvent bien d’une forme d’épreuve de force entre Etats. Bernard Kouchner a eu le courage de le dire.




Un Etat qui, depuis plus de trente ans, ne connaît que des exercices budgétaires déficitaires et dont la dette cumulée avec celles des régimes sociaux et des collectivités locales dépasse les deux mille milliards d’euros ne peut être sérieusement qualifié autrement. Les politiques successives qui ont conduit à ce résultat par leur seul souci de perpétuer le statu quo ont bien échoué de façon incontestable. Il faut le dire avec franchise à tous les représentants d’intérêts catégoriels qui pratiquent le consumérisme d’aides et de services publics avec la plus parfaite inconscience. François Fillon a eu le courage de le dire.

Avant qu’il ne soit Premier ministre, François Fillon avait publié un livre intitulé « La France peut supporter la vérité ». Apparemment, à en juger aux cris d’orfraies entendus, il n’est pas certain qu’elle le puisse. Mais, rassurons-nous, ce ne sont pas forcément ceux qui s’offusquent qui font l’opinion.

lundi 24 septembre 2007

De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !

Nicolas Sarkozy est conscient de l’immense responsabilité qui pèse sur ses épaules. Par son élection, par l’espoir qu’il a fait naître tant par la campagne volontaire qu’il a menée que par le nouveau style qu’il a imprimé à la Présidence, le chef de l’Etat n’a pas droit à l’erreur. Les Français sont prêts à tout lui pardonner : sa suractivité, le casting des gens qui l’entourent, les fredaines de sa vie conjugale, son goût du luxe et de l’ostentatoire, ses manières de jet-setter parvenu,… Ceux qui le soutiennent pour avoir décomplexé la droite et réussi à gagner une élection comme celle-là en défendant des idées conservatrices et libérales lui ont même accordé le bénéfice du doute en acceptant la louchée d’huile de foie de morue que constitue l’ouverture politique voulue par le locataire de l’Elysée. En revanche, personne ne lui accordera la moindre circonstance atténuante s’il ne fait pas tout ce qu’il a annoncé qu’il ferait ou s’il échoue dans ses entreprises.

(source AFP)

La rentrée parlementaire s’annonce donc chaude et fiévreuse. Pouvoir d’achat, croissance, immigration, retraites, fonction publique, éducation, institutions : les chantiers ouverts ne manquent pas et les défis sociaux et politiques non plus. Mais, maintenant, il n’est plus question de reculer. Déjà, cet été, le nouveau pouvoir exécutif a semblé barguigner : le service minimum dans les transports publics en cas de grève ressemble à tout sauf à un service minimum ; la réduction du nombre de fonctionnaires n’est pas au niveau annoncé ; la déductibilité des intérêts d’emprunts sur la résidence principale était visiblement mal ficelée car on avait juste ignoré le sacro-saint principe de non-rétroactivité, Christine Lagarde s’est faite tancer pour avoir prononcé le mot « rigueur », pourtant honnête ; François Fillon a agacé en haut lieu pour avoir semblé forcer la main de celui qui ne le considère qu’en « collaborateur ». Bref, et ceci n’est guère blâmable, la saison des réglages et des essais sur piste est maintenant révolue. L’heure de la course va sonner. Le drapeau à damier va s’abaisser. Depuis plus de vingt-cinq ans, c’est à dire les mandats de Mitterrand et de Chirac, la France stagne, voire régresse, sous l’empire de la dictature du statu-quo. Alors, de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace : c’est cela qu’attendent les Français et ils ne supporteront pas que leur attente soit déçue. Plus que les réformes, ils craignent par-dessus tout l’immobilisme.

Ségolène Royal, pour sa part, est la meilleure caricature d’elle-même. Par sa réponse aux attaques de Lionel Jospin, « Pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. », elle contribue à entretenir cette image qui la rend si ridicule aux yeux des Français et tellement insupportable à ceux de ses camarades socialistes. Mieux que les Guignols !

dimanche 23 septembre 2007

Notes de lecture sur Alain Besançon : "Grammaire des révolutions"

Martin Malia est un historien américain, spécialiste de l’URSS, mort en 2004. Diplômé de Harvard, il était également francophile, normalien de surcroît. Il mena sa carrière d’enseignant essentiellement à Berkeley mais il donna également des cours à l’Institut d’Etudes Politiques de Paris. Soviétologue libéral, classé parmi les historiens conservateurs, Malia fut un analyste précis et un commentateur important de la chute de l’empire soviétique.

Dans « Commentaire », revue à laquelle il collabora souvent, Alain Besançon, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, fait la recension de l’ouvrage posthume de Martin Malia, « History’s locomotives, Revolutions and the making of the modern world », dont il estime qu’il est probablement son chef d’œuvre. L’article de Besançon, intitulé « Grammaire des révolutions » (« Commentaire » n°117, printemps 2007), présente et discute l’analyse de Malia sur les mécanismes historiques et politiques des révolutions.

Pour l’universitaire américain, le concept de révolution, abordé dans sa réalité historique, constitue un phénomène exclusivement européen. C’est l’un des aspects fondamentaux de cette théorie des révolutions : celles-ci sont entendues dans leur acception de renversement de l’Etat central, principalement de l’Etat royal. « Ce n’est pas un phénomène social, mais fondamentalement politique et « idéologique », encore que jusqu’aux temps modernes le mot « spirituel » ou « religieux » conviendrait mieux », écrit Alain Besançon.

Pour Martin Malia, le phénomène révolutionnaire n’est pas pour autant un processus homogène dans le temps et dans l’espace. Il se propage d’ouest en est en changeant de nature. A cet égard, 1848 est, pour lui, une date-clé. Selon Besançon, « à un point tournant, que Martin Malia situe vers 1848, le sens du mot révolution subit une inflexion. A la composante politique, se joignent l’idéologie, l’utopie, le projet de refonte radicale de toute la société. »

Malia, dans ce livre ultime, construit un véritable paradigme de la révolution, constitué d’un idéal-type, mètre-étalon en quelque sorte, à l’aune duquel il juge de la qualité et de l’importance des révolutions qu’il examine.

Cet idéal-type se situe au XVème siècle. « La première révolution, note A. Besançon, serait donc la Révolution hussite, qui culmina vers 1420 en Bohême. » C’est la prédication schismatique de Jean Hus et ses conséquences qui donnent un tableau des étapes fondamentales d’un processus révolutionnaire, qui ne peut exister en tant que tel que s’il a pour théâtre une Nation dotée d’un Etat et d’une capitale.

Au commencement, il y a une réforme modérée de l’Etat à l’instigation de la société civile. Au stade suivant, « l’appel aux masses populaires entraîne la radicalisation » ; puis le front révolutionnaire se lézarde et le mouvement est écrasé. Ce qui est assez constant, relève A. Besançon en lisant M. Malia, c’est « qu’il reste quelque chose qui correspond à la première étape du mouvement. (…) Il reste aussi une légende, qui servira de mémoire héroïque aux futures révolutions. »

S’il n’est de pensée construite que grammaticale, Alain Besançon excelle dans cette matière en discutant le travail de Martin Malia. Il décline cette grammaire en décrivant tour à tour la Réforme allemande (qui «s’arrête en route à cause de la variable suivante : il n’existe pas d’Etat unitaire de la Nation allemande. ») ; l’offensive protestante en Europe sous sa forme calviniste depuis Genève jusqu’en Amérique, en passant par la Pologne, la Hongrie, la Hollande et l’Angleterre. Cette dernière échoue en France dans les Guerres de Religions et le massacre de la Saint Barthélemy. Si, écrit Alain Besançon, « l’Eglise de la théocratie genevoise est oligarchique, aristocratique, patricienne, en miroir de la République elle-même », en France, « le résultat de cette révolution manquée fut l’élévation de l’Etat royal et le renforcement de l’absolutisme – préparant ainsi à terme le déluge de 1789. »

Dans sa leçon de « Grammaire des révolutions », l’historien français, à la lumière de son maître américain, évoque ensuite la révolution hollandaise qui, au XVIème siècle, donna naissance au premier Etat fédéral et libéral ; puis il décline la révolution anglaise. A son sujet, Alain Besançon écrit ceci : « ce qui fait l’originalité fondamentale de la révolution anglaise par rapport à la nôtre, c’est qu’elle ne se pensa pas comme une révolution. Elle en eut le rythme : l’euphorie initiale, la polarisation dramatique, la dictature militaire. Elle en eut le résultat : la substitution à l’ancienne société d’ordres et à la souveraineté sacrée du roi du pouvoir de la société civile consciente d’elle-même. Mais elle se déroula dans un climat religieux et dans la persuasion qu’elle ne faisait que restaurer l’ordre traditionnel des libertés anglaises que la tentative absolutiste avait voulu violer. »

Ensuite, la révolution américaine – « Cette révolution qui ne dévora pas ses enfants.» - aboutit à un nouvel Etat : une République fédérale moderne, à l’échelle d’un continent, à l’exemplarité universelle.

C’est alors qu’intervient la révolution française dans l’histoire du monde occidental. Alain Besançon souligne ici, en premier lieu, le rôle du jansénisme dans la montée pré-révolutionnaire. « L’absolutisme royal dépassa cependant son acmé au tournant du siècle alors que le jansénisme politico-religieux continuait son travail de sape, dont l’historiographie contemporaine commence à mesurer l’effet catastrophique sur l’idée monarchique et sur l’Eglise catholique. »

Le déroulement de la révolution française est scandé en séquences assez proches de l’idéal type hussite décrit par Malia. Du reste, note Besançon, « tous les résultats durables de la Révolution française sont acquis entre mai et décembre 1789. » Et ils ne sont pas des moindres : abolition des privilèges, égalité civile, égalité devant l’impôt, élections, institutions représentatives, dissolution des corporations, réorganisation départementale, système métrique,… Si le processus s’emballa puis s’effondra, c’est – de façon classique selon M. Malia – en raison du schisme religieux, de la résistance de la Cour et du roi, de l’appel des Girondins et des Jacobins aux masses populaires parisiennes.

La « Grande Révolution » marque également le début d’un glissement idéologique. Alain Besançon le décrit ainsi : « Contrairement à la Révolution anglaise, contrairement à la Révolution américaine (au moins jusqu’à la Guerre de Sécession) dont le thème était essentiellement la liberté, la passion dominante de la Révolution française est l’égalité. »

Cette question idéologique dominera par la suite tout le XIXème siècle et toute l’Europe. La révolution de 1848 aura pour caractéristique de troubler toute l’Europe mais aussi d’échouer partout, vaincue par les conservateurs. 1848 est néanmoins, selon Martin Malia, l’année charnière de tous les processus révolutionnaires. Au libéralisme politique hérité du XVIIème siècle, vient se substituer une idéologie portée par deux concepts nouveaux : le nationalisme et le socialisme. En France, 1848 aboutit au Second Empire ; en Allemagne, au compromis politique et institutionnel de Bismarck. Cependant, relève A. Besançon, « la vielle taupe creuse et elle s’appelle le marxisme. Marx comme les autres socialistes est un théoricien complètement déconnecté du mouvement ouvrier. (…) Le prolétariat est moins une classe qu’une notion théologique, le messie rédempteur de l’humanité aliénée. » Ce paradigme est fondé sur la conviction que les mécanismes du capitalisme lui-même ne peuvent que le conduire à sa propre auto-destruction (par la fameuse « baisse tendancielle des taux de profit », notamment) et sur la promotion de la nécessité de l’abolition de la propriété privée. Le marxisme conduit alors au léninisme et à sa domination de la révolution russe qui, par le pouvoir de l’utopie, gèle le processus historique au stade de la radicalisation, interdisant toute évolution de type thermidorien pendant plus de soixante-dix ans.

Cette « Grammaire des révolutions », fondée sur la discussion des thèses de Martin Malia dans son livre posthume, appelle, selon Alain Besançon qui en a fait la recension dans « Commentaire », diverses objections et observations. Ceux-ci portent en premier lieu sur la pertinence du concept central de révolution trop ethnocentré sur l’Europe et décrivant mal, de ce fait, ce qui se produisit par exemple en Chine ; sur l’absence de la révolution hitlérienne dans l’analyse de Malia ; ou sur l’appréciation du marxisme dont l’historien américain semble considérer qu’il porte dès l’origine les germes du léninisme.

En outre, Alain Besançon pointe du doigt la façon dont le langage et la déraison peuvent se substituer à l’idéologie. « Ce phénomène de langage révolutionnaire, comme logomachie délirante, comme test apte à désigner les partisans et les adversaires, n’est pas abordé par Malia. » De plus, le commentateur souligne l’importance du fait religieux : « le phénomène révolutionnaire naît exactement contemporain de la grande crise du christianisme latin qui s’ouvre au XIVème siècle, après l’écroulement de la synthèse thomiste et de l’autorité romaine. Hus, Luther, Calvin lui donnent tour à tour ses couleurs. La Réforme n’est pas un affaiblissement de la ferveur chrétienne, mais au contraire une protestation contre l’Eglise romaine trop tiède, « corrompe », une immense vague de piété et de zèle religieux. »

Et d’ajouter plus loin : « le facteur religieux compte moins, il est vrai, à partir de la Révolution française. C’est parce que la crise générale du Christianisme a commencé précocement en France, pour la raison que ni la formule calviniste ni la formule tridentine, également rejetées, n’avaient pu, sous les Bourbons, stabiliser la vie religieuse. L’irréligion se répand en pays catholique, dès la fin du XVIIème siècle, un siècle en avance sur les pays protestants. »

Alain Besançon souligne, de la même façon, l’importance du fait national dans les processus révolutionnaires : « il faut en dire autant du rapport entre révolution et nation. Le sentiment national est un mystère ancien. Il est une passion plus forte que la plus forte passion politique. Il n’est pas de révolution qui n’ait mêlé à ses buts politiques des passions nationales. »

Enfin, l’essayiste français achève sa discussion de l’ouvrage de l’historien américain par cette considération sur le hasard : « Malia démontre le « logos », le « ratio » du processus révolutionnaire. Mais justement tout n’est pas logos et ratio. Il faut laisser ouverte la part de l’alea, car si on l’élimine on risque de tomber dans un déterminisme historique et de fausser quelque peu en conséquence le déroulement vrai des événements. »

Je me plais, pour ma part, à conclure ces quelques notes sur l’article d’Alain Besançon dans « Commentaire » par cette belle citation de l’auteur :

« A la guerre du Péloponnèse, Thucydide donne une forme générale, qui se modèle sur la forme de la tragédie grecque. En cela, elle devient intelligible. Mais il prend soin de noter que tous les événements dépendent d’un coefficient de chance, de malchance, et que la Fortune est au-dessus des volontés humaines. Le mystère de l’histoire est sauf, et il continue de hanter l’explication rationnelle. Les choses se sont bien passées ainsi. Mais aussi autrement. »

samedi 22 septembre 2007

François-Xavier Brunet: "Un songe d'or et de fumée"

Un homme fuit sa vie pour mieux renaître à une autre. Etienne Santini en fait peu à peu sa devise, lui qui devient François Meursault au fil des pages, criminel traqué malgré lui puis écrivain... malgré lui. Ce récit commence comme un polar ancré dans le sud-ouest, mêlant souvenirs érotiques et intrigue complexe. Mais il se transforme peu à peu en réflexion sur la littérature et l’inspiration, le livre devient « le parcours d’un possédé » qui finit par se rendre à la raison. Au creux des pages, des figures et des courbes de femmes apparaissent, en rêve ou en réalité. Et Nuria, la femme au double visage, mystérieuse et dominatrice, revêt son habit de muse moderne, libre et exigeante. Laissez-vous porter par le parfum d’aventure et de plaisir, une aventure de la chair et des mots.



Le point de vue de l'éditeur :Auteur à suivre. D'une écriture précise et fluide, élégante sans être savante, l'auteur entraîne le lecteur dans les méandres d'une intrigue complexe où la haute finance croise les arcanes du pouvoir. Le héros narrateur, un universitaire toulousain auteur de polars érotiques à ses heures, se retrouve ainsi comme en prise directe avec ces univers qu'il a déclinés au long de ses romans...

Pour commander ce livre : cliquez ici.

vendredi 14 septembre 2007

Yasmina Reza : "L'aube le soir ou la nuit"

Faut-il lire « L’aube le soir ou la nuit » de Yasmina Reza (Flammarion) ? Je crains que l’exercice ne soit guère une source de satisfaction pour ceux qui sacrifieront, comme je l’ai fait, au phénomène de mode de la rentrée littéraire. D’autant que ce dernier mot, littéraire, me paraît superflu tant j’estime ce livre mal écrit.

Que voulez-vous ! Je suis né après Mai 68 mais je suis tout de même de la vieille école. Chez les sœurs de Saint-Joseph, j’ai appris à distinguer la langue parlée de la langue écrite et la fréquentation des grands auteurs, auxquels je ne me mesure qu’avec l’exacte conscience de la misère de ma pratique, m’a suffisamment instruit sur l’intérêt de la construction grammaticale et de la ponctuation pour que je trouve indigeste ce brouet-là.



Pour le reste, le livre de Madame Reza est, à tort, présenté comme un ouvrage consacré à Nicolas Sarkozy. C’est toute l’astuce de l’auteur de l’avoir fait croire, en particulier à l’intéressé lui-même. L’extrait retenu comme texte du prière d’insérer figurant en quatrième de couverture, la troisième personne du pluriel qui y est employé, apportent un cinglant démenti : « Ils jouent gros. C’est ce qui me touche. Ils jouent gros. Ils sont à la fois le joueur et la mise. Ils ont mis eux-même sur le tapis. Ils ne jouent pas leur existence mais, plus grave, l’idée qu’ils s’en sont faite. » Qui sont-ils ? Nicolas Sarkozy et G. Qui est G. ? Celui à qui est dédié « L’aube le soir ou la nuit », qui nous est présenté comme ayant tout aussi bien pu être l’adversaire du candidat élu et avec lequel, semble-t-il, Yasmina Reza a, ou a eu, une histoire. Il se dit que G. est DSK. Voire. Il se comprend aisément que Yasmina écrit sur Nicolas pour comprendre ce qui motive G. Il ne faut jamais confondre le sujet d’un livre avec son personnage. « Les hommes dont je parle vivent dans un monde où les mots ont le poids de l’hélium. A peine lâchés, ils s’envolent et disparaissent de l’avenir. »


(source AFP)

Au fil des pages, émaillées d’évocations de G., Yasmina Reza trousse le portrait, à grands coups de pattes griffues, d’un Sarkozy égocentrique, frivole (Rolex et Prada) et assez inculte (admirateur de Chimène Badi et de Dick Rivers). Elle éclaire son personnage d’une lumière cruelle et satirique où brillent quelques verbatims croquignolets qui font sourire.

Le président de la République est-il vraiment tel qu’elle nous le décrit ? Une campagne électorale est-elle le moment le plus approprié pour percer les ressorts et les mystères d’une personnalité ? Ou, tout simplement, Y. éreinte-elle parfois N. pour régler ses comptes avec G. ? Qu’importe !

Le sujet et les personnages eussent mérité plus d’inspiration chez un tel auteur. A la lire, on se prête à la soupçonner d’avoir un peu bâclé son ouvrage en retranscrivant à la va-vite le contenu de ses carnets pour être au rendez-vous de la rentrée.

Avec « L’aube le soir ou la nuit », on est quand même plus près du Canard Enchaîné que des Mémoires de Saint-Simon.

lundi 10 septembre 2007

Hommage à Raymond Barre

« La France vient de perdre un de ses meilleurs serviteurs. Son action s’inscrivait dans la grande ligne de ceux qui, depuis Colbert, ont construit la prospérité de notre pays. C’était un homme d’Etat qui ne poursuivait aucun objectif personnel, mais qui cherchait à assurer, par une compétence exceptionnelle et un travail acharné, le bien-être de notre pays. Le milieu politique avait du mal à comprendre et à soutenir sa démarche solitaire et désintéressée trop éloignée de ses habitudes, et l’opinion n’a réalisé que tardivement qu’il travaillait en réalité pour elle. » C’est par ces mots que l’ancien président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, a rendu hommage à Raymond Barre, son ancien Premier ministre décédé il y a quelques jours.



A ceux-ci, je voudrais ajouter un souvenir personnel, celui d’un jeune militant du Collectif des Etudiants Libéraux de France, de 19 ans à l’époque, ayant participé activement, à Toulouse, à la campagne présidentielle de Raymond Barre. Je garderai toujours à l’esprit le temps qu’il prit la peine de consacrer aux jeunes, à l’issue de son meeting dans la ville rose, sa disponibilité, son intelligence perçante mais aussi partageuse de son savoir. Nombreux avons-nous été, enfin, à tenter de comprendre l’économie politique grâce à son manuel, publié aux Presses Universitaires de France, et qui restera un grand classique de la littérature universitaire.

Raymond Barre appartenait à cette catégorie d’hommes politiques, qu’on qualifie pour faire simple d’hommes d’Etat, et dont le comportement ressortit à une haut exigence de la morale publique, à une conception élevée du service de la Nation. Cela passe nécessairement par le risque assumé de déplaire, de ne pas mentir et d’avoir le courage d’agir. Pierre Messmer, dans un autre style, qui vient également de s’éteindre, avait lui aussi cette grande classe et cette superbe dignité. Faut-il pour cela être pourvu d’une immense abnégation ou est-ce une forme d’orgueil ? Qu’importe : l’exemple demeure.

Raymond Barre fut un chef de gouvernement que les circonstances ne servirent point : il connut les chocs pétroliers, la fin des Trente Glorieuses et l’incessante guérilla de la bande parlementaire d’un Chirac que Giscard d’Estaing qualifie de famélique et d’affamé de pouvoir dans le dernier tome de ses Mémoires. Pourtant, l’Histoire a d’ores et déjà commencé à rendre justice à Barre qui laisse dans tout le pays le souvenir d’un des meilleurs Premiers ministres de la Vème République.
Dans son livre intitulé « L’après de Gaulle », déjà évoqué dans ces colonnes, Jean Mauriac rapporte ce propos de Raymond Barre dont il a pris note en 1988 : « Je savais, en me présentant à l’élection, par où je devrais passer… Eh bien, je me suis trompé ! Tout est encore plus abject que je l’aurais imaginé ! » Ce n’était pas le dépit du vaincu mais le constat de la bassesse où se complait parfois le débat public. La voix irremplaçable de Raymond Barre manque d’ores et déjà à la France.

vendredi 7 septembre 2007

Réforme des institutions : pour une véritable démocratie libérale

Contribution de François-Xavier Brunet au débat interne de l’UMP sur la réforme des institutions.

Le problème fondamental auquel est soumis tout débat institutionnel en France est l’effacement des principes du libéralisme politique au profit de la mythologie révolutionnaire d’une part, qui a toujours privilégié la passion de l’égalité au détriment du goût de la liberté, et du césarisme, c’est à dire le recours à l’homme providentiel, que l’on retrouve autant dans le bonapartisme que dans le gaullisme.

Il s’en suit ce que l’on pourrait appeler une « déification » de la République et une « réification » de la démocratie. C’est à dire que le principe démocratique n’est plus qu’une chose subalterne comparée à la prégnance de l’Etat républicain, qui peut tout, dont tout procède, et bien sûr de son chef. Peut me chaut que l’organisation de l’Etat soit républicaine ou monarchique, pourvu que les institutions soient démocratiques. Bien sûr, écartons-la d’emblée, pour des raisons historiques et dynastiques, l’idée de restauration monarchique ne se pose plus en France depuis la fin du XIXème siècle. Mais alors, si la République est un fait irréversible, reste entière la question de son organisation.

Au moment où la France engage un débat sur la refonte des institutions, il est essentiel que les libéraux retrouvent des couleurs et la fierté d’être porteurs de l’héritage de Montesquieu, de Constant, de Tocqueville et d’Aron.



Quels principes doivent présider à une réforme institutionnelle ?

Ce sont des principes fondamentaux : le respect du droit des individus, la séparation des pouvoirs et l’autonomie de la société civile à l’égard de l’Etat.

Il s’en suit que l’institution principale d’une démocratie libérale est le Parlement, formé des représentants de la souveraineté nationale, et non pas le chef de l’Etat ; que l’équilibre des pouvoirs doit être respecté par une stricte séparation et une répartition harmonieuse ; qu’enfin la loi doit favoriser l’émergence de corps intermédiaires structurés entre l’Etat central et la nation et privilégier le contrat à la loi pour le règlement des rapports sociaux.



De ce fait, je privilégierai toujours, dans mes choix, le régime parlementaire au régime présidentiel, la fonction de Premier ministre issu de la majorité parlementaire à celle de président de la République dont l’élection au suffrage universel est à mes yeux une hérésie, le régime fédéral à l’Etat unitaire, la limitation du domaine de la loi, enfin. A cet égard, il est essentiel que soit mis fin à l’inflation législative française et à l’inapplication trop fréquente des lois votées par le Parlement en raison de l’absence de publication de décrets ou de circulaires d’application.

Par ailleurs, par satisfaire au mécanisme de la loi sociologique de nécessaire « circulation des élites », décrite par Pareto, je suis favorable à une stricte interdiction de tout cumul de mandats et à une limitation dans le temps à deux mandats successifs, quels qu’ils soient.

S’agissant du Parlement, je crois nécessaire le maintien du bicaméralisme avec une Chambre haute permettant la formation d’une majorité et une Chambre basse permettant l’expression de toutes les sensibilités dans leur plus grande diversité.

En résumé de ce qui précède, je formule le souhait de voir la France se doter d’institutions organisées de la façon suivante :

- un président de la République, élu pour cinq ans, par le Parlement réuni en Congrès, et doté de compétences similaires à celles que furent les siennes sous la IIIème République ;
- un Premier ministre détenteur du véritable pouvoir exécutif et dont la légitimité procède au moins de la majorité à la Chambre haute du Parlement, au mieux de celle des deux Chambres ;
- un Parlement puissant élu au suffrage universel composé d’un Sénat formé au scrutin d’arrondissement majoritaire à deux tours et d’une Assemblée nationale élue à la proportionnelle intégrale ;
- une organisation du territoire de type fédéral sur le modèle des Länder allemands ou des communautés autonomes espagnoles.


Je mesure combien cette vision des choses ne s’inscrit pas dans l’air du temps. Mais rien n’est pire et plus mutilant pour l’esprit que la dictature de la mode et le conformisme de la pensée.

jeudi 6 septembre 2007

Hommage à Luciano Pavarotti

"Il y avait des ténors et il y avait Pavarotti." (Franco Zefirelli)

mardi 4 septembre 2007

François-Xavier Brunet : "Un songe d'or et de fumée"

Un homme fuit sa vie pour mieux renaître à une autre. Etienne Santini en fait peu à peu sa devise, lui qui devient François Meursault au fil des pages, criminel traqué malgré lui puis écrivain... malgré lui. Ce récit commence comme un polar ancré dans le sud-ouest, mêlant souvenirs érotiques et intrigue complexe. Mais il se transforme peu à peu en réflexion sur la littérature et l’inspiration, le livre devient « le parcours d’un possédé » qui finit par se rendre à la raison. Au creux des pages, des figures et des courbes de femmes apparaissent, en rêve ou en réalité. Et Nuria, la femme au double visage, mystérieuse et dominatrice, revêt son habit de muse moderne, libre et exigeante. Laissez-vous porter par le parfum d’aventure et de plaisir, une aventure de la chair et des mots.



Le point de vue de l'éditeur :Auteur à suivre. D'une écriture précise et fluide, élégante sans être savante, l'auteur entraîne le lecteur dans les méandres d'une intrigue complexe où la haute finance croise les arcanes du pouvoir. Le héros narrateur, un universitaire toulousain auteur de polars érotiques à ses heures, se retrouve ainsi comme en prise directe avec ces univers qu'il a déclinés au long de ses romans...

Pour commander ce livre : cliquez ici.