jeudi 30 août 2007

Philippe Raynaud : "Qu'est-ce que le libéralisme ?" (2ème partie)

Dans son analyse pénétrante de la situation du libéralisme dans la culture politique française (in "Commentaire" n°118), le politologue Philippe Raynaud rappelle les trois traits permanents de la tradition libérale : les droits de l’homme, la limitation de la souveraineté, l’autonomie de la société civile. « La meilleure expression de la théorie libérale du contrat social se trouve dans la philosophie politique de Locke. » Le penseur, philosophe et essayiste anglais de la deuxième moitié du XVIème siècle, auteur des « Deux Traités du Gouvernement civil », a développé dans son œuvre une conception de la légitimité du pouvoir fondée sur le respect du droit des individus, de la « Loi naturelle » d’inspiration chrétienne et dont l’expression juridique sera la Déclaration d’indépendance américaine, dont de nombreux aspects figurent dans la Déclaration des Droits de l’Homme française. En ce qui concerne la limitation de la souveraineté par la séparation des pouvoirs, Philippe Raynaud cite abondamment Montesquieu dont la doctrine se fonde non seulement sur l’exemple anglais qu’il avait sous les yeux mais également sur une théorie très classique depuis l’Antiquité grecque et romaine, celle du régime mixte, élaboré notamment par Aristote. L’universitaire parisien écrit ceci : « L’équilibre ou la séparation des pouvoirs est une nécessité interne à la logique libérale. (…) Montesquieu est un des premiers à voir que le ressort politique n’est pas seulement l’agencement des institutions, mais l’équilibre entre les forces politiques qu’on appellera les partis. (…) La séparation des pouvoirs garantit que les droits soient assurés et que la société jouisse d’une certaine indépendance à l’égard du gouvernement et de l’Etat. » Pour que le système politique ait une cohérence et fonctionne de façon efficiente, il convient alors de privilégier un mode d’organisation fondé sur la représentation, c’est à dire s’appuyant sur une « classe politique relativement distincte du reste de la population, même si elle dépend du suffrage universel. » C’est l’apport américain d’une « République représentative », autrement appelée dans ce texte « république commerçante » en référence à Madison. La notion d’autonomie de la société civile induit la dimension économique du libéralisme. Philippe Raynaud cite évidemment Adam Smith et sa théorie de la « main invisible » mais ce qui compte, au yeux des libéraux, c’est d’ « établir des relations relativement harmonieuses entre les individus, si on renonce d’un côté à la force coercitive des l’Etat et de l’autre au type de liens hiérarchiques établis dans les anciennes formes de coopération », c’est à dire les anciennes corporations que connaissait l’Ancien Régime français.

Dans son vaste tableau sur la question libérale, l’auteur pointe également des problèmes permanents dont le premier est l’opposition historique entre idée démocratique et idée libérale que surmontera Tocqueville qu’il oppose dans un passionnant dialogue, finalement pas toujours contradictoire, à Marx mais qui aboutit bien sûr à des interprétations opposées de la démocratie.

Très aronien, ce texte passionnant et dense est à recommander non seulement à ceux sensibles à la théorie libérale mais également à ceux qui la rejettent, parfois sans savoir.

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