dimanche 19 août 2007

Jean d'Ormesson : "La création du monde"

Quatre amis passent, comme chaque année, huit jours de vacances sur une île de la Méditerranée. Au menu de leurs retrouvailles, sous l’ombre propice d’un figuier, agapes, bons vins, cigares et conversations infinies. Le premier des convives, trotskiste et plusieurs fois millionnaire (sic), enseigne la psychiatrie à Harvard ; le deuxième est énarque et, après avoir « pantouflé » dans des grandes sociétés, est revenu à la politique ; le troisième occupe une chaire de « physique mathématique appliquée aux sciences de la vie » au Collège de France ; le quatrième, dont on ne sait rien, est le narrateur. L’un de ces brillants causeurs a apporté à ses amis le manuscrit que lui a envoyé un correspondant dont il dit tout ignorer sinon qu’il s’appelle Simon Laquedem. Chacun se relaie pour le lire à haute voix et le débat s’instaure. Et il vole haut au regard du récit que Laquedem a consigné sur deux cahiers. En effet, au cours de rêves successifs dont il a décidé de faire la relation, un ange annonce à Simon qu’il est le nouvel Abraham, le nouveau Moïse, voire le nouveau Mahomet (excusez du peu !) et que Dieu l’a élu – parce qu’il est un insignifiant archiviste-paléographe – pour lui parler. Et le Créateur se confie à son nouveau Prophète sur le big-bang, l’espace et le temps, l’eau, la lumière, la vie, la pensée et l’histoire.

Tel est l’argument du roman de Jean d’Ormesson, « La création du monde », (Robert Laffont, 2006), publié en octobre dernier et dont je ne saurais trop recommander la lecture en cette fin d’été.



Il faut aimer le style et la personnalité d’Ormesson pour goûter pleinement ce livre qui n’est pas sans rappeler un précédent, « Le rapport Gabriel » (Gallimard, 2001), dans lequel Dieu, à la veille d’abandonner les hommes à leur triste sort, dépêche l’ange Gabriel sur Terre et le charge d’un rapport de la dernière chance à la lecture duquel il décidera s’il y a lieu de sauver sa Création. A qui s’adresse alors Gabriel pour réussir sa mission ? A Ormesson, bien sûr, sur les épaules de qui repose alors notre destin…

Avec « La création du monde », c’est un peu la même chose : une brillante digression, très enlevée, assez jubilatoire. Comme il aime à le faire, notre académicien badine avec des sujets philosophiques et spirituels très sérieux et austères. Ce livre est un aimable résumé de philosophie générale, une élégante conversation de salon à la manière du XVIIIème siècle. « La pensée aux mille ressources a inventé un instrument formidable de récupération et de conservation des paroles : l’écriture. Pensée au second degré, parole figée sur place, l’écriture est du langage conservé dans l’espace sous forme de signes au lieu de rester dispersé dans le temps sous forme de sons. » Comment dire ? Je crois qu’il dirait lui-même : épatant !

Pour les amateurs inconditionnels de Jean d’Ormesson, à ne pas manquer non plus, vient dernièrement de paraître un recueil de chroniques et billets d’humeurs, de 1969 à nos jours, sous le titre « Odeur du temps » (éditions Héloïse d’Ormesson). On y retrouve avec plaisir la plume vive et alerte de l’ancien directeur du Figaro, qui défend avec passion son amour de la littérature, de l’art, bref, de la vie. Ormesson est un témoin vif, précis et pétillant d’un monde qui, dans le fond, ne cesse de l’amuser.

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