lundi 28 mai 2007

Le premier véritable quinquennat

Les conditions, dans le fond, assez rocambolesques dans lesquelles Jacques Chirac a été réélu en 2002 n’ont pas permis à celui-ci – qui n’en avait probablement pas le goût non plus – de mettre en œuvre concrètement la plus importante des réformes institutionnelles qu’ait connu notre pays depuis 1962. Il s’agit, bien sûr, de la réduction de la durée du mandat présidentiel à 5 ans, adoptée en octobre 2000.

Cette décision a été complétée par celle visant à inverser l’ordre naturel des élections qui eût voulu, en 2002, que les législatives se déroulassent avant les présidentielles. L’inversion des facteurs a créé un cadre structurel favorable à la présidentialisation du régime. Qui plus est, l’aléa conjoncturel est venu s’y greffer en ce sens que la dissolution ratée de 1997 devrait normalement dissuader tout président normalement constitué d’y recourir, sauf circonstances exceptionnelles. Cette faculté risquant donc de tomber en désuétude, nous voilà nantis d’un régime qui voit le président de la République être élu tous les cinq ans, quelques semaines avant un vote de confirmation législatif. C’est à dire que, et la pratique que semble initier Nicolas Sarkozy va dans ce sens, le président n’est plus ce « chef de l’Etat », arbitre, au-dessus de la mêlée, mais bel et bien le véritable chef de l’exécutif et le patron de la majorité parlementaire qui le soutient. Dans ce contexte, que devient le Premier ministre ? Contrairement à une idée reçue, la Constitution du 4 octobre 1958 ne stipule nullement que celui-ci « conduit et détermine la politique de la Nation ». Ce rôle est dévolu au Gouvernement (article 20). Si le Premier ministre « dirige l’action du Gouvernement » (article 21), ce dernier est composé des ministres qui sont nommés par le président de la République (article 8), sur proposition du premier d’entre eux certes, mais c’est bien une prérogative présidentielle que de présider le Conseil des Ministres, de promulguer les lois, d’en demander une nouvelle délibération au Parlement le cas échéant, de nommer aux emplois civils et militaires, d’être le chef des armées, et ainsi de suite. De la sorte, point n’est besoin de changer de Constitution pour instaurer le régime présidentiel. La mixité des institutions gaulliennes reposait, rappelons-le sur la séparation entre les légitimités démocratiques du président de la République et celle de l’Assemblée nationale, dont l’expérience des trois cohabitations a montré qu’elle pouvait être stricte.

En clair, la présidentialisation du régime que nous sommes en train de connaître n’est pas le fait stricto sensu de Nicolas Sarkozy et ne participe aucunement d’une volonté du nouveau président d’accaparer tous les pouvoirs comme lui en fait le procès une opposition en panne de leadership comme d’idées. Le changement de nature de la Vème République a largement été inspiré par Lionel Jospin, quand il était Premier ministre entre 1997 et 2002. Ce qui relève par contre de l’initiative de Nicolas Sarkozy ? La modernisation de l’exercice du pouvoir. Tout pouvoir, pour demeurer légitime et respecté, doit être mis en scène. Le décorum, la solennité des rites participent du grand barnum politique et sont nécessaires à la cohésion nationale. Nicolas Sarkozy et François Fillon, son Premier (ou principal) ministre, mettent en œuvre sous nos yeux – et c’est passionnant à observer – une méthode de travail et de communication moderne, apparemment efficaces et bouleversant les habitudes. Pour autant, ils ne jetteront pas le bébé avec l’eau du bain et, loin de galvauder le pouvoir, ils vont l’adapter aux mœurs modernes. Accrochons-nous, ils ne vont certainement pas cesser de nous surprendre !

1 commentaire:

frc.sp a dit…
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