lundi 30 juillet 2007

Joris-Karl Huysmans : "Les Habitués de café", "Le Buffet des gares", "Le Sleeping-car"

Joris-Karl Huysmans fut le contemporain de Zola – il contribua aux « Soirées de Médan » – mais aussi d’Edmond de Goncourt ou de Paul Verlaine qui comptèrent parmi ses amis proches. Sa bibliographie compte des titres qui ne laissent personne indifférent : « Le drageoir aux épices », « A rebours » ou « Là-bas ». Il est ce que l’on appelle un classique puisque figurant au programme du baccalauréat ( au moins de celui que j’ai obtenu il y a vingt ans…). Cet écrivain, d’abord naturaliste, se détourna de cette veine littéraire pour s’orienter vers une autre, plus fantastique voire sataniste ou plus simplement occultiste, avant de se tourner vers le catholicisme.




Huysmans, fonctionnaire toute sa vie au Ministère de l’Intérieur et des Cultes, ne prisait guère les voyages, les départs, la cohue, la bousculade des corps. Les cafés et les buffets de gare l’horripilaient au possible.. Mais il avait cependant une dilection marquée pour certains établissements désuets, abandonnés des gens pressés, souvent des cafés de la rive gauche. Il y croisait un petit monde d’habitués dont les manies et les ridicules lui plaisaient. Il en croqua quelques-uns. De ces notes, il fit « De tout », qui parut chez Stock en 1902. On y trouve des textes comme « Le Buffet des gares » ou « Le Sleeping-car ». « Les Habitués de café » furent édités par Le Figaro en 1889, dans une série intitulée « Les types de Paris ».

C’est ce dernier texte qui a donné son nom à une très jolie réédition aux éditions Séquences, en 2003, préfacée par René-Pierre Colin. « Les Habitués de café, suivi de Le Buffet des gares, Le Sleeping-car » sont trois textes brefs mais qui procurent l’immense jouissance que seuls offrent les grands auteurs sachant manier la langue française comme un interprète virtuose joue de son instrument.

Huysmans nous invite à le suivre dans un de ces cafés tranquilles qu’il affectionne : le café Caron, situé rue des Saints-Pères, au coin de la rue de l’Université. « Au premier abord, ce café ne semble pas différent des bons vieux cercles de province ; mais sa clientèle qui est vieillotte et bizarre, et qui ne fleure ni le cancanage, ni le désoeuvré mesquin d’une province, a déteint sur sa physionomie et marqué d’une particulière étampe la sénilité de ses pièces. » Sur les « divans de velours amarante usé », l’écrivain brosse des portraits et des scènes de genre savoureux. « Et c’est dans ce milieu douillet, aux tons tranquilles, qu’il faut observer le véritable habitué dont j’ai parlé, l’homme qui va au café sans intérêt de jeu puisqu’on n’y joue pas, d’affaires, car aucun négociant ne le fréquente, sans désir de conversation, car on n’y parle guère, sans même le besoin de pipes fumées, libre, car l’usage de la pipe y est interdit. » Rendez-vous donc au café Caron y retrouver ce genre-là d’individus typiques.

Bien avant le « dîner de cons », Huysmans nous invite au déjeuner dans un buffet de gare. C’est le deuxième texte de ce petit et précieux recueil. « Le bonheur des uns est généralement fait par la vue du malheur des autres ; ce n’est évidemment pas un sentiment glorieux que j’énonce, mais il n’est, hélas ! que trop authentique et c’est à ce sentiment peu louable que je cédais, alors que, n’ayant pas de train à prendre, j’allais déjeuner dans un buffet de gare. » Je vous laisse découvrir la suite.

Le livre se poursuit et s’achève par « Le Sleeping-car » qui décrit le calvaire d’un voyage en wagon couchettes, avec cette promiscuité des corps et de leurs sécrétions nauséeuses. « Le sleeping est devenu un garni dans lequel s’agite le personnel d’une maison de jeu. Ce port ostentatoire, cette tenue courtoise et grave, dont il s’affublait, hier, à Paris, n’est plus. L’on aperçoit dans les chambres, le fumier des litières, la crasse des matelas, le saccage des oreillers et des couvertures, toute une bauge, dominée par le ridicule enfantillage de ces plafonds que décore un vieux ciel peint. »

Allez, pour finir, en lisant ce petit bouquin, faites spicilège de quelques jolis mots que je glane pour vous et qui réjouiront aussi cruciverbistes et joueurs de scrabble : maringote (voiture de saltimbanque, de roulier), écornifler (se procurer quelque aubaine aux dépens d’autrui), taler (fouler les fruits) et, enfin, saltarelle (danse du XVème siècle s’apparentant à la gaillarde). On en mangerait comme d’une gourmandise de ces mots-là. !

2 commentaires:

Unknown a dit…

Bravo pour cette évocation de cet écrivain trop souvent oublié : JK Huysmans !

Kam a dit…

A tous ceux qui s'y intéressent, les types de Paris ont été numérisés de façon intégrale ici (un vrai trésor): http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k319264h
Je crois que Huysmans a repris un de ses textes qui avait été déjà publié dans le numéro 94 de La Vie populaire du 24/11/1889 car il correspond parfaitement au thème proposé par Le Figaro. Toutefois, la publication dans La Vie populaire datant de novembre et celle du Figaro étant de la même année mais sans indication du mois (ou j'ai mal regardé, même en regardant les pages de fin du livre scanné), j'ai un doute. Si quelqu'un connaissait la date EXACTE de la parution des Types de Paris, je suis preneuse de l'information. Merci beaucoup !