jeudi 13 décembre 2007

Yves de Kerdrel dans Le Figaro : "Ubu roi et Alice au pays des merveilles"

Chroniqueur et éditorialiste dans les colonnes du Figaro mais aussi aux Echos ou sur BFM, Yves de Kerdrel est aussi membre de la Commission Attali chargée par le président de la République de formuler des propositions en vue de « libérer la croissance » française.

Dans Le Figaro du 11 décembre dernier, il apporte une contribution remarquable au débat sur le pouvoir d’achat qui, à juste titre, anime l’opinion publique française. Il est vrai que, sous l’effet conjugué d’une reprise de l’inflation grandement dissimulée par des indicateurs officiels tronqués mais réellement ressentie par les ménages, d’un renchérissement du coût de l’énergie et du logement allant de pair avec un gel global des salaires – mis à part de simples « glissements » - et essentiellement dû au passage aux 35 heures il y a dix ans, les Français ont le sentiment de vivre moins bien qu’auparavant et redoutent des lendemains dont ils n’espèrent plus grand chose.

Le gouvernement, à la tête d’un Etat qui n’en peut mais, dont le président de la République indique que ses « caisses sont vides » et que le Premier ministre dit en « faillite », tente très maladroitement de répondre aux attentes populaires. Bien sûr, il ne faut rien attendre ou presque du train de mesures annoncées il y a deux semaines par Nicolas Sarkozy. Tout simplement parce que, ne lui en déplaise, ce n’est pas à l’Etat de décréter la croissance ou le pouvoir d’achat. Tout au plus peut-il favoriser la création de richesses dans le pays et veiller à une répartition plus équitable de celles-ci. En ne voulant pas décevoir les Français, en se refusant à leur avouer son impuissance à les satisfaire à court terme, le président et ses ministres entretiennent une illusion et courent le risque d’avoir à faire face à une déception immense.



C’est dans ce débat que la chronique au Figaro d’Yves de Kerdrel est éclairante. « La nation s’est posée d’emblée comme la garante du pouvoir d’achat. Et aucun chef de l’État n’a eu le courage de dire que tel Ubu, le roi était nu, et que le pouvoir d’achat, c’était uniquement l’affaire de chacun. Bien sûr l’État pouvait y mettre un peu du sien en diminuant les impôts ou en allégeant certaines charges. Mais au lieu de dire la vérité, c’est-à-dire que le pouvoir d’achat, c’est uniquement une question de création de richesses, puis de juste répartition de richesses, et qu’en dehors de cela un ménage n’a pas à dépenser plus qu’il ne reçoit, l’État a continué d’entretenir la confusion. (…) En mélangeant des mesures catégorielles, des mesures sociales qui doivent encore être approuvées branche par branche et entreprise par entreprise, et puis une sorte de retour à une économie administrée, où les loyers sont encadrés, et où les grandes surfaces sont censées rendre au consommateur le fruit des marges excessives qu’elles encaissent depuis dix ans, voilà donc le problème du pouvoir d’achat réglé. Là ce n’est plus Ubu roi, mais Alice au pays des merveilles, puisqu’on distribue du pouvoir d’achat sans créer de richesses nouvelles. Ce qui signifie que quelqu’un ou quelques-uns payent et qui ne devraient pas être mis à contribution. Mais au fond peu importe… puisque les enquêtes d’opinion l’ont montré, toutes ces mesures sont largement approuvées. Les Français ont été élevés au lait nourricier d’un État encore florissant. Dès qu’il y a un problème quotidien, que ce soit celui des chiens méchants, de la hausse du prix du fioul, ou du poids des cartables, ils se tournent invariablement vers l’État, comme si seule la responsabilité collective pouvait être impliquée. Et la République compassionnelle se met en marche avec son cortège de déclarations, de projets de loi et de déplacements ministériels. »
Voilà magistralement décrit le mal français dans toute son étendue. Il n’est pas près d’être guéri !

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