lundi 23 juin 2008

Dr No vs. Europe

C’est un étrange « Dr No » qui s’acharne sur l’Europe. Après les Pays-Bas et la France en 2005, voici l’Irlande, pourtant fille choyée de l’Union, qui repousse d’un méprisant revers de main le traité de Lisbonne soumis à sa ratification par voie référendaire. C’est en vérité un étrange mal que celui qui s’abat sur une Union dont les peuples, à chaque fois qu’ils sont directement consultés, manifestent leur colère et leur désapprobation.

Ce « Dr No » n’agit pas à la légère. C’est comme si un charme s’était rompu entre l’utopie communautaire et les habitants, insulaires ou continentaux. Pourtant, depuis son lancement au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’Europe a connu la plus longue période de paix et de prospérité de son histoire. Jamais nos nations n’avaient entretenu entre elles d’aussi bonnes relations, jamais nos peuples n’avaient été à ce point à l’abri des risques de guerre, jamais nos économies n’avaient connu une telle croissance, jamais nos niveaux de vie n’avaient à ce point augmenté.

Mais nous n’en avons jamais assez. Pendant un presque demi-siècle, l’Europe fut partagée en deux parties. L’une, libre et heureuse, sous le parapluie américain. L’autre, asservie et étouffée sous le joug soviétique. Alors, c’était il y a vingt ans (une éternité), notre modèle politique et économique l’a emporté. L’URSS s’est effondrée, le mur de Berlin a été renversé et l’Europe unifiée. Et c’est un peu comme si le malade s’apprêtait à mourir guéri.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Certes, le modèle technocratique et lointain de la Communauté Economique Européenne, puis de l’Union européenne, n’a rien fait pour rapprocher cette ambitieuse construction des peuples qui la composaient. Pis encore, les gouvernements des Etats membres, quelle que soit leur couleur politique, ont toujours eu le réflexe veule d’agonir Bruxelles quand ça n’allait pas et de se tenir cois pour s’attribuer des mérites qui n’étaient pas parfois les leurs quand ça allait mieux. Résultat ? A force de faire de l’Europe un bouc émissaire commode, les électeurs prennent leurs élites à leur propre piège. Ajoutons à cela que les multiples élargissements, généralement menés au grand dam des opinions publiques, ont amené l’UE à être maintenant composée de 27 Etats dont plus personne ne connaît la liste par cœur, dont l’obésité la pousse à l’infirmité. Bref, l’Union européenne est en train de mourir d’apoplexie.

Que faut-il faire ? Le traité de Lisbonne est-il mort du refus irlandais ? La présidence française de l’Union qui débute le 1er juillet a-t-elle encore un sens ? Les Irlandais peuvent-ils décemment être rappelés aux urnes ? Faut-il faire de l’Union européenne une sorte d’ONU régionale quitte à recréer un noyau composé de nations volontaires pour reconstruire une communauté soutenue par les peuples qui la composent ? Autant d’incertitudes dont nous nous serions bien passés au cœur d’une crise financière mondiale doublée d’un choc pétrolier en face desquels l’euro reste, qu’on le veuille ou pas, une protection dont l’efficacité pourrait être mise à mal par la perte de l’espoir de voir un jour la monnaie européenne enfin adossée à un véritable pouvoir politique.

Aucun commentaire: