vendredi 4 janvier 2008

"Politique de civilisation" ?

Les premiers vœux que Nicolas Sarkozy a présentés es-qualité aux Français n’étaient, n’en déplaise à son entourage, guère originaux dans leur forme. Nul ne saurait lui en faire grief tant l’exercice est, précisément, très formel. En revanche, le contenu du message à la Nation s’apprêtant à réveillonner était bien plus intéressant que le fait de savoir dans quelle mesure le président de la République savait lire un texte sur prompteur avec ou non un air dégagé.



Dans cette adresse présidentielle, et au-delà de l’engagement à tenir les promesses de campagne, à ne pas tromper ou trahir ceux qui lui ont fait confiance (serment réitéré à satiété depuis des mois), le chef de l’Etat a prononcé des paroles qui méritent d’être entendues avec une attention soutenue : « Avec 2008, une deuxième étape s’ouvre : celle d’une politique qui touche davantage encore à l’essentiel, à notre façon d’être dans la société et dans le monde, à notre culture, à notre identité, à nos valeurs, à notre rapport aux autres, c'est-à-dire au fond à tout ce qui fait une civilisation. Depuis trop longtemps la politique se réduit à la gestion restant à l’écart des causes réelles de nos maux qui sont souvent plus profondes. J’ai la conviction que dans l’époque où nous sommes, nous avons besoin de ce que j’appelle une politique de civilisation. »

Il faudra, dans les prochains mois, être extrêmement vigilant pour comprendre ce que Nicolas Sarkozy a voulu dire le 31 décembre. Ces valeurs sont-elles celles dont il s’est réclamé lors de sa visite au Saint-Siège : « La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire. Elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je crois qu’une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d’histoire, de patrimoine, d’arts et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, c’est dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont besoin de symboles de mémoire. C’est pourquoi nous devons tenir ensemble les deux bouts de la chaîne : assumer les racines chrétiennes de la France, et même les valoriser, tout en défendant la laïcité, enfin parvenue à maturité. » ?

Ou est-ce, comme le prétend notamment le journal La Croix (édition du 2 janvier) un emprunt fait au sociologue Edgar Morin ? En 1995, au cœur des mouvements sociaux, celui-ci écrivait : « Il faut restaurer maintenant une politique de portée historique, un grand New Deal, que j’appelle, moi, une politique de civilisation. » Et l’intellectuel de gauche, ancien membre du Parti communiste, de réitérer son concept en 1997, en cosignant avec le politologue chevènementiste Sami Naïr un essai intitulé « Une politique de civilisation » (Editions Arléa). Une telle politique, selon les auteurs, suppose des « comités permanents visant à réduire les ruptures sociales », une politique keynésienne de « grands travaux », des « maisons de la solidarité » et un « service civil ad hoc » pour « humaniser les villes » et lutter contre la « désertification des campagnes ». Morin, dont les premières réactions donnent à penser qu’il ne se réjouit guère de voir son bazar conceptuel récupéré par Sarkozy et Guaino, a fait partie de ceux qui, dans le sillage de Jean-Pierre Chevènement, ont soutenu Ségolène Royal aux présidentielles.

Alors, la « politique de civilisation » de Sarkozy, info ou intox ? Récupération cosmétique de mots flatteurs pour l’oreille ou nouvel avatar de l’ouverture annonçant un véritable virage idéologique de celui qui, pendant la campagne, prétendait pourtant décomplexer la droite ? Entre le remarquable discours du Latran et les vœux télévisés très équivoques, le grand écart est tel que la déchirure guette. Assumer l’héritage de la « civilisation » qui a fait la France ne saurait conduire à singer la pensée post-marxiste. Décidément, la vigilance s’impose.

1 commentaire:

michel a dit…

nous avons besoin de ce que j’appelle une politique de civilisation dixit Sarkozy
Il est à noter que cette politique ambiteuse ne réprésente que la deuxième étape du quinquennat de M. Sarkozy , je n'ose penser à l'étape suivante : Aprés avoir dépassé la civilisation , dans quoi allons nous rentrer ?

Bien sur , si l'on est attaché a certaines significations , ce discours semble très déséquilibré entre les différents usages d'un langue : signifier , évoquer , décrire .
Il ne s'agit pas ici de marquer les esprits pour faire sens , mais de les marquer pour imprimer une rémanence , une signature de la présence d'un gloseur . C'est ce qui était décrit il y a peu par un président de chaine privée dans un magazine de « marketing » comme « du temps de cerveau humain disponible « .