vendredi 11 janvier 2008

Fondation pour l'Innovation Politique : "Les jeunesses face à leur avenir"

Quarante ans après que le pavé parisien se soit embrasé sous l’effet des manifestations du fameux mois de mai, la Fondation pour l’Innovation Politique vient de publier une passionnante étude intitulée « Les jeunesses face à leur avenir ». Celle-ci est gratuitement accessible sur Internet (www.fondapol.org). Menée sous la houlette d’Anna Stellinger, directrice de recherches économiques et sociales à la Fondation, conduite par l’institut de sondage Kairos Future, cette vaste enquête a consisté à interroger 20 000 jeunes âgés de 16 à 29 ans, en Europe, aux Etats-Unis, en Chine, en Inde, en Russie, à Taïwan et au Japon. Ces entretiens avaient pour objectif de mesurer la perception qu’ont les jeunes de leur avenir, de la mondialisation, du travail, de l’argent, de la famille. En un mot comme en mille, ont-ils le moral ?




Les résultats de cette étude très détaillée sont édifiants : ce sont les jeunes Français qui abordent la vie et le futur avec le plus de pessimisme. Ils voient leur avenir, comme celui de la société, avec crainte ; la mondialisation leur fait peur ; ils redoutent de ne jamais trouver un emploi satisfaisant pour eux. Bref, cela ne va pas fort. La jeunesse française broie du noir… Cette déprime de la tranche d’âge qui entre ou s’apprête à entrer dans l’âge adulte est d’une profondeur telle que même le moral des jeunes Allemands ou Britanniques – déjà pas très follichon – semble celui d’un gai pinson. Seuls les Polonais ou les Italiens se situent avec nos jeunes compatriotes en bas de ce classement.

Les causes sont multiples. « Les jeunes Français redoutent le déclassement et savent que leurs revenus risquent d’être inférieurs à ceux de leurs parents, commente dans L’Express du 3 janvier 2008 le sociologue Vincenzo Cicchelli, Les Indiens, les Chinois et les Russes entrevoient au contraire la possibilité de grimper dans l’ascenseur social. Pour eux, les Trente Glorieuses commencent. » Aux Etats-Unis, pourtant tellement décriés en France, 60 % des jeunes, contre 27 % des Français du même âge, espèrent un bon job à l’avenir. Plus symptomatique de la résignation qui saisit notre pays, 63 % des jeunes Américains considèrent que les gens peuvent changer la société alors que seuls 39 % de nos compatriotes interrogés le croient.

Le constat une fois dressé, il faut identifier les causes de ce malaise. La Fondation pour l’Innovation Politique en pointe quelques-unes : le chômage des jeunes, l’échec du système scolaire également. Songeons à cet égard qu’un élève français sur cinq arrête sa scolarité avec seulement en poche le niveau du brevet des collèges et que un étudiant sur quatre entrant dans l’enseignement supérieur le quittera sans avoir obtenu le moindre diplôme. De plus, la culture et la pratique sociales de la France ne favorisent pas la mobilité. Ici, le diplôme confère un statut social à vie, sorte de couloir sans issue, illustration d’une société bloquée où la reconversion en cours de vie fait figure d’exception. Reste enfin l’écrasante responsabilité collective de la génération des parents et des grands-parents des 16-29 ans, celle des « baby-boomers » et des « soixante-huitards ». L’accroissement exponentiel de son niveau de vie et de protection sociale a été financé à crédit aux dépens de leurs successeurs et de la société en général, de même que l’idéologie dominante a laminé toute velléité de compétitivité dans un monde en plein bouleversement.

Terrible constat au moment où nous devons faire face non seulement à la faillite de l’Etat-Providence mais également aux conséquences cumulées d’un troisième choc pétrolier et d’une crise environnementale dont on n’entrevoit à peine que les prémices. Bonne année malgré tout !

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