lundi 15 octobre 2007

Immigration : la guerre des mots

La guerre des mots. Ou plutôt des gros mots. C’est peu de dire que le débat politique vole en rase-mottes. A l’origine de cette débauche de bêtise et de vulgarité, l’amendement Mariani au projet de loi sur l’immigration. Ce texte législatif vise notamment à diminuer «l’immigration familiale» en la rendant plus difficile. Les candidats au regroupement seront en effet soumis à un certain nombre de critères, parmi lesquels la maîtrise de la langue, le niveau de ressources de l’accueillant ou la signature d’un «contrat d’accueil et d’intégration». L’amendement présenté par le député UMP Thierry Mariani propose la possibilité pour un candidat au regroupement familial de pratiquer des tests ADN pour prouver ses liens familiaux. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat d’autant plus que cela se pratique dans une douzaine de pays de l’Union européenne.

Il eût été loisible que s’ouvrît un débat sur l’opportunité de cette mesure, sur le rapport coût politique sur avantages réels d’une mesure symbolique. Mais le climat est trop détestable pour le permettre. Les ornithorynques de la gauche, relayés par les aigris de la droite, ont eu recours à un registre poisseux pour disqualifier leurs adversaires et les accuser d’atteintes aux libertés publiques, quand ce n’est pas à la dignité humaine ! En hurlant au retour de Vichy, les protestataires interdisent tout débat dès lors que celui qui n’est pas d’accord avec eux est forcément un rejeton du nazisme. Cela s’appelle un procès stalinien !

Alors, comme à l’accoutumée dans ce genre de circonstance excessive, les paroles dépassent la mesure du raisonnable. N’en pouvant mais, François Fillon, au Conseil national de l’UMP, estime que les polémiques entourant cet amendement ont « grossi jusqu’au ridicule un détail » pour masquer finalement « l’essentiel » du projet. Dès lors, personne ne s’est intéressé à ce que le Premier ministre pouvait bien considérer comme essentiel puisqu’il avait osé (quelle honte !) prononcer un des mots les plus courants de la langue française que Jean-Marie Le Pen avait utilisé à mauvais escient il y a vingt ans et plus. Le bannissement du discours public de tout le vocabulaire, même le plus usuel, du leader du FN ouvre des perspectives insondables. Je propose que des lexicologues se penchent sans tarder sur tout ce qu’à pu dire Le Pen depuis cinquante ans qu’il fait de la politique pour que l’on sache les rares mots qu’il est encore possible d’employer.

Pour achever d’écœurer le chaland, Fadela Amara, secrétaire d’Etat d’ouverture, a qualifié de « dégueulasse d’instrumentaliser l’immigration avec les tests ADN. » Chacun appréciera un propos qui souligne la distinction naturelle de cette sommité ministérielle. A noter également l’échange ordurier entre Henri Guaino et Bernard-Henri Lévy : à l’écrivain en chemise blanche qui a déclaré que « le mec qui écrit les discours de Sarkozy est un raciste d’inspiration maurrassienne », le conseiller spécial du président de la République a répliqué en disant « Ce petit con prétentieux ne m’intéresse pas. Des crétins y en a toujours eu. »

L’élégance n’est décidément pas à la mode cet automne.

Aucun commentaire: