Rassemblés autour de cinq thèmes, « Vivre », « Etre », « Aimer », « Voir », « Perdre », « Trouver », ces « moments de grâce dans la littérature française » offre une promenade tour à tour savoureuse, émouvante ou édifiante de la culture dans ce qu’elle offre de plus beau. Pascal, Voltaire, Chateaubriand, Hugo, Flaubert, Baudelaire, Maupassant, Zola, Proust, Claudel, Aragon, Camus, Céline, Prévert, Yourcenar, Duras, Enthoven… « autant de fulgurances qui immortalisent l’instant de la création. » Dans sa correspondance passionnée avec Louise Colet, Flaubert écrit à sa maîtresse et confidente que « c’est une délicieuse chose que d’écrire. » C’est aussi une bien belle chose que de frotter son âme à celle de ces créateurs dont un des auteurs du livre, Pascal Marchetti-Leca, nous rappelle la dimension prométhéenne. « Voleurs d’un feu auquel on se consume avec délice, voleurs de cendres qui se déploient en étincelles de rédemption, tous ont ouvert un chemin. »
Et nous les suivons, pauvres mortels que nous sommes, sur ces chemins pavés de mots, de phrases et de strophes. Je ne résiste pas au désir de cette si belle description de Malraux par Louise de Vilmorin : « André a toujours un doigt pointé vers le ciel pour essayer d’attraper un fil de la barbe de Dieu ! » Attraper un fil de la barbe de Dieu !, voilà ce que tous ces voleurs de feu ne cessent de poursuivre comme but dans toutes leurs entreprises de création littéraire. Même les plus agnostiques d’entre eux ne peuvent échapper à la démonstration à l’évidence de laquelle ils ont contribué : l’art en général et le plus abstrait d’entre eux, la littérature, nous renvoient l’image d’une création d’où le sacré ne peut être exclu. Je ne sais si Jean-Pierre Guéno et son équipe rejoindraient mon interprétation spirituelle de la littérature mais la préface du directeur des Editions de Radio France me conforte dans ma foi : « Ces textes qui foudroient parlent de vie ou de mort, d’amour ou de révolte, d’espérance ou de désespoir, de grâce ou de détresse. Ils nous rapprochent un peu des étoiles. (…) Qu’entend-on par fulguration ? Un mouvement, un frisson simultané de l’âme, du cœur et de l’esprit, un moment de grâce ou de disgrâce, qui pourrait rester sans voix, qui s’empare d’un écrivain et s’exprime pourtant à travers ses mots. » Il y a quelque chose de surhumain et d’irréductible dans l’acte d’écrire qui s’impose à l’écrivain et qui le transcende. Cet album, « Voleurs de feu », en apporte le plus magnifique et la plus fascinante illustration. Ce livre jouit d’une présentation très soignée, digne des plus grands éloges, qui en fait un cadeau de très haute tenue pour amateurs éclairés.