Le scénario centriste. C’est celui qui taraude désormais tous les esprits, à droite comme à gauche. Sans compter ceux, fiévreux, des « Bédouins » du Béarnais. C’est de ce nom de guerre que François Bayrou baptise celles et ceux qui ne le quittent pas et lui sont fidèles depuis les pires des mauvais jours qu’il ait eu à affronter.
Du point de vue de l’analyse électorale, pour que l’aventure centriste aille plus loin, il n’est que deux scénarios : celui de 1969 et celui de 1995. Il y a trente-huit ans, le second tour de la présidentielle opposa, on s’en rappelle, le gaulliste Georges Pompidou au centriste Alain Poher. A cela, on donnera deux raisons principales. La première est que Poher était président de la République par intérim, à la suite de la démission du général de Gaulle. La seconde est que le candidat de la SFIO, Gaston Defferre, fit un score dérisoire (5 %), talonné par Michel Rocard (3%) et surclassé par le communiste Jacques Duclos (21 %). Les conditions de ce scrutin sont-elles réunies ? Peut-être en ce sens où Ségolène Royal pourrait fort bien tomber au niveau du score de Duclos (ce qui serait très largement supérieur à celui de Jospin en 2002). Dans cette hypothèse, un second tour opposant Nicolas Sarkozy à François Bayrou est plausible. Il y a douze ans, le troisième homme du scrutin au début de l’année, Jacques Chirac, crédité de 14 % des intentions de votes en novembre 1994, finit la course en tête en mai. Pour cela, il lui fallut doubler en février ou mars le favori de la droite, Edouard Balladur. Le premier tour plaça en tête Lionel Jospin (23 %), suivi de Chirac (21 %) devançant Balladur (19 %) d’une courte tête. Pour qu’un tel scénario se reproduise, il faudrait un effondrement des intentions de vote en faveur de Nicolas Sarkozy, doublé d’une forte augmentation de celles favorisant François Bayrou. Cet exploit fut possible à Jacques Chirac car à 14 % d’intentions de votes, il était à son plus bas historique (il avait obtenu respectivement 18 et 20 % aux premiers tours de 1981 et 1988). A 15 % dans les sondages, Bayrou est d’ores et déjà à son plus haut historique puisqu’il n’a obtenu que moins de 7 % en 2002. En ce sens, au terme de l’analyse électorale, un second tour opposant François Bayrou à Ségolène Royal est peu probable.En toute hypothèse, le pouvoir de séduction que le leader centriste semble exercer sur une fraction de l’électorat repose sur une double illusion. D’une part, il fonde son argumentation sur le fait que la « Grande Coalition » à l’allemande a été souhaitée par ses acteurs. Or cela est faux. En effet si les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates gouvernent ensemble, c’est seulement parce que les électeurs allemands n’ont donné de majorité parlementaire ni aux uns ni aux autres. Le SPD et la CDU ont donc dû composer avec cette indécision aggravée par un mode de scrutin qui donne la part belle à la proportionnelle. D’autre part, Bayrou assure que ce type de rassemblement des bonnes volontés est un gage de certitude que les réformes nécessaires au pays seront menées dans l’harmonie et la paix sociale. Or cela aussi est faux. Dans un pays où l’élection présidentielle et les législatives qui la suivront un mois après se tiennent au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, ce système relève de la cohabitation. L’exemple des trois précédentes cohabitations démontre que des réformes ne sont possibles que dans la très faible marge de manœuvre que laisse le bras de fer inévitable entre les cohabitants. De plus, quel consensus imaginer entre PS, UDF et UMP sur la réforme des régimes spéciaux de retraite, l’adaptation des 35 heures ou l’évolution de la fiscalité ? Une présidence Bayrou serait synonyme de cinq années d’immobilisme. Sans compter que s’il était capable de réaliser son pari politique, François Bayrou serait rapidement confronté au fait qu’un gouvernement de rassemblement des partis de gouvernement sous sa férule n’offrirait aux mécontents, inévitables en démocratie, que le choix entre les extrêmes, la rue, voire la violence. Inquiétante perspective.
mercredi 28 février 2007
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1 commentaire:
le scénario de second tour opposant BAYROU à SARKOZY est à prévoir et même souhaiter. Souhaiter parce que les électeurs pourront déterminer lequel est initiateur et moteur du changement attendu, lequel a été en mesure de comprendre les multiples signaux d'alerte émis par le pays, les quartiers, les abstentionnistes ou les réfugiés perdus en "extrémie". Le CEVIPOV centre d'étude de la vie politique de science po a publié son enquête 61% des électeurs ne font confiance ni à la droite, ni à la gauche. les appareils politiques autistes bétonnent leurs positions partisanes artificiellement constituées et jettent l'anathème sur le candidat centriste qui dépasse les clivages éculés. L'homme a bâti avec fermeté, cohérence et indépendance (cf création nouvelle Udf, vote motion de censure etc) le projet politique qui l'anime. l'exemple allemand est intéressant, en premier lieu représenté dans le corps social par la notion de cogestion (mitbestimmung). les interlocuteurs indispensables dépassent leurs clivages dans l'intérêt commun. le pays a une expérience certaine des gouvernements de coalition. la "grande coalition" sous l'impulsion conjointe de Kiesinger,CDU, chancelier et de Willy Brandt, SPD, ministre des affaires étrangères, regroupant CDU-CSU/SPD a surmonté la récession au milieu des années 60 par des mesures sélectives. En 1969, une nouvelle coalition aussi très active, sociale libérale voit le jour SPD-FDP. Un programme énorme de réformes intérieures est lancé. sur la scène internationale, l'allemagne de cette coalition est aussi très active,particulièrement sur les relations avec l'est en suspens depuis la fin de la guerre. En 1982, la coalition du centre CDU-CSU / FDP d' Helmut Kohl et Hans Dietrich Genscher
est mûe par un programme d'urgence pour l'assainissement du budget de l'Etat (déjà un thème cher à Bayrou), la création d'emploi etc. cet effort commun pour le bien collectif remportera une importante majorité aux élections législatives anticipées de 1983 soit un an après la mise en place de la coalition !
a cet endroit , l'approche centriste de Bayrou est séduisante. Suivant l'adage de Mendes France "gouverner c'est prévoir", il dépasse l'autisme de ses concurrents, écoute la population, les salariés, les entreprises pour un programme sans promesse farfelue. Il est rassembleur et moteur sans laissé pour compte.
Alors donnons à Bayrou le ticket pour le second tour pour le grand débat de projet tant attendu.
Un face à face Ségo / Sarko serait l’accélération assurée vers la crise politique
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