lundi 22 octobre 2007

François-Xavier Brunet : "Un songe d'or et de fumée"

Un homme fuit sa vie pour mieux renaître à une autre. Etienne Santini en fait peu à peu sa devise, lui qui devient François Meursault au fil des pages, criminel traqué malgré lui puis écrivain... malgré lui. Ce récit commence comme un polar ancré dans le sud-ouest, mêlant souvenirs érotiques et intrigue complexe. Mais il se transforme peu à peu en réflexion sur la littérature et l’inspiration, le livre devient « le parcours d’un possédé » qui finit par se rendre à la raison. Au creux des pages, des figures et des courbes de femmes apparaissent, en rêve ou en réalité. Et Nuria, la femme au double visage, mystérieuse et dominatrice, revêt son habit de muse moderne, libre et exigeante. Laissez-vous porter par le parfum d’aventure et de plaisir, une aventure de la chair et des mots.



Le point de vue de l'éditeur :Auteur à suivre. D'une écriture précise et fluide, élégante sans être savante, l'auteur entraîne le lecteur dans les méandres d'une intrigue complexe où la haute finance croise les arcanes du pouvoir. Le héros narrateur, un universitaire toulousain auteur de polars érotiques à ses heures, se retrouve ainsi comme en prise directe avec ces univers qu'il a déclinés au long de ses romans...

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vendredi 19 octobre 2007

Régimes spéciaux : baroud d'honneur ?

Le mouvement de grève engagé par les différents syndicats des principales sociétés publiques, plus particulièrement dans les transports en commun de voyageurs par le rail ou des grandes agglomérations, sera-t-il le baroud d’honneur d’une caste statutaire qui, seule au monde, refuse de prendre sa part du changement ? L’histoire immédiate ne tardera pas à nous le dire. Pour autant, il y a fort peu à parier que le scénario de 1995 se renouvelle à l’identique.



En effet, depuis douze ans, bien de l’eau a coulé sous les ponts de France et de Navarre. Les Français ont depuis lors parfaitement compris que l’évolution économique et démographique impose de prendre des dispositions rigoureuses pour avoir une chance de préserver le système de retraites par répartition. L’adoption, sans trop de douleurs de la loi Fillon en 2003, a très largement contribué à cette prise de conscience. De plus, de rapports en déclarations publiques, nos concitoyens ont très nettement pris conscience que l’Etat-providence hérité des Trente Glorieuses vit très largement au-dessus de ses moyens. A cet égard, la récente embardée corse de François Fillon sur la « faillite » n’a choqué que ceux qui estiment avoir des comptes à rendre des gestions passées et qui aimeraient bien s’en exonérer.



Par ailleurs, la situation politique n’est pas comparable à celle qui présida à la reculade de 1995. D’abord, le soutien populaire n’est pas du côté des grévistes et cela n’est pas rien. S’il devait s’inscrire dans la durée, ce mouvement social se heurterait à l’hostilité des Français, et notamment de ceux qui sont pris en otage. Ensuite, Nicolas Sarkozy n’est pas Jacques Chirac. Non seulement en raison des tempéraments dissemblables des deux hommes, mais aussi parce que le premier a été élu en annonçant cette mesure et que le second avait été élu en prônant une politique radicalement différente de celle qu’il tenta de mener à partir de l’automne 1995. Enfin, l’actuel président ne donne pas dans les atermoiements comme son prédécesseur qui ne détestait rien autant que le risque d’être contesté dans la rue.

La France a trop longtemps souffert de l’incapacité de ses dirigeants à accepter le risque de l’impopularité au nom de l’intérêt général. Attendons Nicolas Sarkozy au pied du mur de ses engagements.

A noter cependant que le degré de blocage des transports publics cette fin de semaine permettra de mesurer l’ardente nécessité d’instaurer un véritable service minimum en cas de grève dans les services publics et combien les dispositions prises cet été sont insuffisantes.

lundi 15 octobre 2007

Immigration : la guerre des mots

La guerre des mots. Ou plutôt des gros mots. C’est peu de dire que le débat politique vole en rase-mottes. A l’origine de cette débauche de bêtise et de vulgarité, l’amendement Mariani au projet de loi sur l’immigration. Ce texte législatif vise notamment à diminuer «l’immigration familiale» en la rendant plus difficile. Les candidats au regroupement seront en effet soumis à un certain nombre de critères, parmi lesquels la maîtrise de la langue, le niveau de ressources de l’accueillant ou la signature d’un «contrat d’accueil et d’intégration». L’amendement présenté par le député UMP Thierry Mariani propose la possibilité pour un candidat au regroupement familial de pratiquer des tests ADN pour prouver ses liens familiaux. Il n’y a pas de quoi fouetter un chat d’autant plus que cela se pratique dans une douzaine de pays de l’Union européenne.

Il eût été loisible que s’ouvrît un débat sur l’opportunité de cette mesure, sur le rapport coût politique sur avantages réels d’une mesure symbolique. Mais le climat est trop détestable pour le permettre. Les ornithorynques de la gauche, relayés par les aigris de la droite, ont eu recours à un registre poisseux pour disqualifier leurs adversaires et les accuser d’atteintes aux libertés publiques, quand ce n’est pas à la dignité humaine ! En hurlant au retour de Vichy, les protestataires interdisent tout débat dès lors que celui qui n’est pas d’accord avec eux est forcément un rejeton du nazisme. Cela s’appelle un procès stalinien !

Alors, comme à l’accoutumée dans ce genre de circonstance excessive, les paroles dépassent la mesure du raisonnable. N’en pouvant mais, François Fillon, au Conseil national de l’UMP, estime que les polémiques entourant cet amendement ont « grossi jusqu’au ridicule un détail » pour masquer finalement « l’essentiel » du projet. Dès lors, personne ne s’est intéressé à ce que le Premier ministre pouvait bien considérer comme essentiel puisqu’il avait osé (quelle honte !) prononcer un des mots les plus courants de la langue française que Jean-Marie Le Pen avait utilisé à mauvais escient il y a vingt ans et plus. Le bannissement du discours public de tout le vocabulaire, même le plus usuel, du leader du FN ouvre des perspectives insondables. Je propose que des lexicologues se penchent sans tarder sur tout ce qu’à pu dire Le Pen depuis cinquante ans qu’il fait de la politique pour que l’on sache les rares mots qu’il est encore possible d’employer.

Pour achever d’écœurer le chaland, Fadela Amara, secrétaire d’Etat d’ouverture, a qualifié de « dégueulasse d’instrumentaliser l’immigration avec les tests ADN. » Chacun appréciera un propos qui souligne la distinction naturelle de cette sommité ministérielle. A noter également l’échange ordurier entre Henri Guaino et Bernard-Henri Lévy : à l’écrivain en chemise blanche qui a déclaré que « le mec qui écrit les discours de Sarkozy est un raciste d’inspiration maurrassienne », le conseiller spécial du président de la République a répliqué en disant « Ce petit con prétentieux ne m’intéresse pas. Des crétins y en a toujours eu. »

L’élégance n’est décidément pas à la mode cet automne.

lundi 8 octobre 2007

Un Monet victime d'un acte de vandalisme au musée d'Orsay

"Alors que la Nuit blanche battait son plein à Paris, dans la nuit de samedi à dimanche, un groupe de personnes a forcé une porte du musée d’Orsay, alors fermé, et a dégradé "Le pont d'Argenteuil", un des paysages préféré de Monet. Le tableau, réalisé en 1874, a été "sévèrement endommagé", selon le ministère de la Culture, qui parle d’une déchirure "sur au moins 10 centimètres"". (source Le Figaro)



En marge d'une manifestation festive et culturelle, que des jeunes gens, dont l'état d'ébriété n'excuse rien, songent à s'introduire dans un musée pour s'y rendre coupables de déprédations sur une oeuvre d'art, fait froid dans le dos.

Vers un retour d'une forme de barbarie ?

mercredi 3 octobre 2007

Turquie : "Manuels scolaires : détournements et contournements" (Etienne Copeaux)

Etienne Copeaux est professeur d’histoire dans le secondaire mais aussi chercheur associé au GREMMO (Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Méditerranée et le Moyen-Orient) à l’université de Lyon. Chargé également de cours à l’université de Galatasaray à Istanbul, il est un spécialiste de la Turquie dont il a notamment analysé l’instrumentalisation de l’histoire aux fins de satisfaire aux objectifs politiques du nationalisme turc.

L’article intitulé « Manuels scolaires : détournements et contournements » est présenté par son auteur comme une contribution à la critique du « dévoiement de l’histoire par le nationalisme. »

Tout procède de la fondation de la République turque au lendemain de l’effondrement de l’empire ottoman et de la bataille des Dardanelles. Mustapha Kemal Atatürk, fondateur de la Turquie moderne, ne se contente pas de la fondation d’un nouvel Etat ; il entreprend de graver son histoire dans le marbre de son idéologie nationaliste. Cette « réforme de l’histoire », plus connue sous le nom des « thèses d’histoire », est accompagnée de son corollaire institutionnel : un monopole d’Etat sur la recherche historique. Nous sommes en 1931 et l’institution publique en charge d’écrire l’histoire publie une collection de manuels scolaires qui formatent véritablement les esprits et la culture des jeunes Turcs. Cette « réforme de l’histoire » est approuvée et confirmée par un Congrès d’histoire turque qui se tient en 1932 et dont Etienne Copeaux souligne « l’esprit presque stalinien. »




Sans retracer ici ni les grandes étapes historiques de ce récit officiel du passé turc ni les fondements traditionnels de celui-ci, différents facteurs justifient cette attitude dogmatique. Ils sont intimement liés aux conditions historiques de la fondation du nouvel Etat turc. Il se construit comme étant d’abord musulman, par opposition aux Grecs et aux Arméniens. Puis l’Etat laïque est proclamé pour substituer à l’islam l’idée d’une race turque supérieure fondée aux confins de l’Asie. Confrontée au « philhellénisme » occidental et à la nécessité de reconstruire un idéal national, après l’effondrement de l’Empire et l’occupation de l’ouest de l’Anatolie par les Grecs, la Turquie de la « réforme historique » de 1931 tourne le dos à l’européocentrisme pour privilégier un passé plus asiatique dont le récit, au sujet duquel E. Copeaux reconnaît qu’il n’est pas seulement fait de fantaisie, relève tout de même de l’idéologie voire de la mythologie politique. L’ambition de Mustapha Kemal est d’offrir à son peuple un passé glorieux pour nourrir la fierté nationale. Mais la dérive est toujours proche de ce type d’attitude et, ici, la limite est vite trouvée car le récit historique officiel ne s’étend pas au-delà de 1938, c’est-à-dire au-delà de la mort d’Atatürk lui-même. Etienne Copeaux écrit : « Ce qui n’était qu’une circonstance des années trente est devenu téléologie ; l’histoire des Turcs aboutit à Atatürk et s’arrête avec lui. »

Dans la deuxième moitié du XXème siècle, deux évolutions apparaissent. L’une, en réaction, ouvre la voie à une approche « humaniste » qui réserve une meilleure part à l’Antiquité classique. Mais elle fera long feu. L’autre, en contre-réaction, établit ce que l’auteur de l’article étudié qualifie de « synthèse turco-islamique. » L’islam est « la » religion des Turcs et constitue l’élément dominant de leur personnalité nationale. Mais l’idéologie kémaliste n’est pas abandonnée : c’est la supériorité fondamentale des Turcs qui sauve leur religion de la décadence. Cette synthèse doctrinale est servie par le coup d’Etat militaire de 1980 qui l’utilise comme outil de résistance au communisme. Le kémalisme demeure donc et se retrouve dans une historiographie à finalité idéologique fondée sur des événements et des héros consensuels. La figure du grand homme de l’histoire turque contemporaine est la référence constante du discours proposé à la mémoire collective nationale. Il est présenté ou cité à travers cinq périodes fondatrices : les migrations de l’Asie intérieure, la civilisation de l’Orkhan, les premiers sultanats turco-musulmans, la bataille de Mantzikert, celle des Dardanelles. Il est intéressant de noter ici que ce récit, qualifié par E. Copeaux de « récit ethnique », se lit d’est en ouest et offre une grille d’interprétation de l’inclination turque pour l’Europe, étant entendu qu’elle est considérée comme procédant dans sa modernité de l’influence turque. A ce « récit ethnique », celui de la « famille », l’auteur agrège celui de la « belle-famille », la Turquie actuelle et anatolienne, et celui de la « famille d’adoption », le monde arabo-musulman. L’un ou l’autre de ces passés est mis en exergue en fonction des besoins politiques du moment. Cela se retrouve sur la cartographie officielle, évoquée dans cet article, qui illustre ces récits historiques faits à la nation turque et qui porte, dans ses propres représentations, la marque idéologique dominante.




Enfin, Etienne Copeaux illustre comment, de nos jours, ce consensus sur l’histoire officielle de la Turquie est mis en cause de façon plus ou moins directe, même si la répression et la pression politique et sociale limitent les marges de manœuvre pour la pensée plus indépendante. Groupes de réflexion, rencontres et publications, dont très peu de travaux et d’ouvrages sont traduits à l’étranger, témoignent d’une vie intellectuelle que le kémalisme et le nationalisme n’ont pas complètement « calcifiée. » L’impact du discours officiel est de plus en plus battu en brèche par la réalité du monde et de l’environnement dans lesquels évolue la Turquie. L’auteur formule des vœux, sinon des préconisations, pour un nouvel enseignement de l’histoire dont il estime qu’il devrait beaucoup plus porter sur l’histoire de l’Anatolie elle-même qui porte l’empreinte de la diversité des influences qu’elle a subies depuis l’Antiquité ; sur l’histoire des Turcs et de leur lente migration vers l’ouest ; sur la formation de l’Empire ottoman et de sa partie européenne ; sur la place des autres nations tels les Kurdes. Enfin, il considère que l’enseignement de l’histoire contemporaine devrait s’affranchir de l’interdit traditionnel d’explorer l’après-1938.

En conclusion de son article, Etienne Copeaux replace ses recherches dans leur propre contexte historique, celui de la chute de l’empire soviétique et de l’ « effervescence » qui s’empara de la Turquie devant la perspective d’une possible zone d’influence pour elle grâce à l’indépendance des républiques d’Asie centrale. Mais, constate-t-il, « la société turque est loin des Turcs de l’extérieur. » Il regrette aussi d’avoir « longtemps sous-estimé le facteur grec et balkanique dans les représentations turques du monde. »

Le défi lancé aux Turcs est de faire la part de l’héritage culturel du kémalisme, de s’en affranchir pour mieux surmonter le réflexe identitaire et se mettre en conformité avec leur volonté d’ouverture à l’Europe.

Mais, dans le contexte qui voit la pérennisation d’un islam politique, avec Recep Tayip Erdogan, ouvrant peut-être un nouveau cycle de l’histoire turque, ce défi sera-t-il relevé au prix d’une nouvelle « réforme de l’histoire » ? De cela, Etienne Copeaux ne dit rien, ne le pouvant guère au moment où il écrit cet article mais il est difficile d’éluder cette réflexion.